Le sujet lié à la guerre a été maintes fois retranscrit dans le cinéma. De son horreur jusqu’à son absurdité, René Clément nous le fait voir au prisme de deux enfants.
Dès le début du film, nous sommes plongés dans l'horreur et l'absurdité de la guerre à travers les yeux de la jeune Paulette. Lors d'un exode, elle perd tragiquement ses parents dans un bombardement, laissant cette petite fille apeurée et déboussolée. Son unique réconfort est son chien, même si celui-ci est déjà mort. Ainsi entourée par la mort, Paulette est recueillie par la famille Dollé, vivant à la campagne. Elle se lie d'amitié avec Michel, le plus jeune fils de la fratrie, lui aussi touché par la perte de son frère.
René Clément explore brillamment la psychologie de ces deux enfants, qui trouvent un exutoire en extériorisant les horreurs de leur environnement par le biais d'un jeu morbide : la construction d'un cimetière pour les animaux morts, avec une croix volée pour chaque inhumation. Cela commence par le chien de Paulette.
La réalisation de René Clément est d'une grande finesse, remplie de détails soignés qui ajoutent à l'authenticité du récit. La lumière stylisée qui baigne la maison Dollé renforce l'atmosphère poignante du film. Les dialogues sont empreints de sensibilité et de réalisme, nous permettant de nous immerger davantage dans l'histoire.
Le talent extraordinaire de la jeune actrice Brigitte Fosey, alors âgée de seulement 5 ans, ne peut être ignoré. Elle incarne avec brio le rôle de Paulette et atteint un niveau dramatique rarement vu pour son jeune âge. Sa performance émouvante, accompagnée du thème musical envoûtant de Narciso Yepes à la guitare. Ces notes et la performance de l'actrice imprègnent en nous quelque chose d'inexplicable, elles résonnent au plus profond de nous.
René Clément réussit à maintenir une distance parfaite avec le sujet, évitant tout mélodrame facile. Il filme l'horreur de la guerre de manière réaliste au début, puis la poésie et le style prennent progressivement le dessus. Cette évolution subtile du récit nous emporte jusqu’à nous faire oublier le reste : la guerre, la capitulation, les querelles de la famille Dollé avec leur voisin. Pour au final être seulement plonger dans les sentiments qu’éprouvent ces deux enfants qui, avec leur imagination enfantine, cherchent un exutoire à tout cela et regardent le monde des adultes avec détachement.
Dans cette ruralité, Clément filme une fresque universelle, qui, à toutes époques et dans n’importe quel endroit de notre monde, fera vibrer les êtres qui s'y plongent.