Il est forcément difficile d'évaluer un film aussi engagé que celui-ci, réalisé par Oliver Stone, où le fond est primordial et prend le pas sur la forme. Stone croit dur comme fer à la théorie du complot et s'emploie à nous la démontrer à travers un long-métrage qui met en images les livres de Jim Garrison, procureur de la Nouvelle-Orléans à l'époque, et de Jim Marrs, un journaliste indépendant.
Le film se présente sous la forme d'une enquête de plus de 3h durant laquelle on suit Jim Garrison qui s'attache à reconstituer l'assassinat pour prouver les incohérences de la version officielle, puis à remonter vers la source pour en déterminer les commanditaires. C'est presque un documentaire auquel on assiste.
En ce qui concerne le fond, je dois dire que je n'ai jamais été friand des théories de complot. On n'a jamais marché sur la Lune, le 11 Septembre a été organisé par les Américains, tout ça ce n'est pas ma tasse de thé. J'ai fait de la géopolitique et je saisis tout à fait les enjeux qui gravitent autour de ces événements, mais les complots, je ne mange pas de ce pain-là.
Toutefois, on prend ici une petite claque. Les faits sont là: la version officielle est totalement bancale. Rien, absolument rien de la version officielle ne tient la route. 3 balles pour 5 coups de feu, un tireur placé dans le dos de JFK alors que celui-ci a reçu des balles venant de devant lui, pas besoin d'être un génie pour constater toutes les incohérences. Garrison, dans son enquête, en constate encore plus: fenêtre de tir réduite alors qu'une autre était idéale, sécurité étrangement absente, parcours modifié à la dernière minute, etc, etc... Sur ce point, on ne peut qu'être d'accord avec Oliver Stone (et donc Garrison), il y a bien plusieurs tireurs et il y a donc complot puisque la théorie du tireur isolé vole en éclats. Par ailleurs, le mur auquel se heurte l'équipe du procureur est plus que suspect et nous fait comprendre qu'il y a quelque chose à cacher.
Si les faits donnent jusque là raison à Garrison, il n'y a en revanche rien de concret pour prouver sa théorie sur les commanditaires de l'assassinat. Seules des interprétations peuvent être faites, des hypothèses formulées. Lui voit un coup d'état de Johnson appuyé par l'armée à qui il aurait promis la guerre du Vietnam. Pour soutenir sa théorie, Jim Garrison se pose la question spéciale Bernard de la Villardière: 'A qui profite ce business ?'
Le problème est que cette question, nécessaire, peut toutefois faire accuser un peu n'importe qui. Johnson et l'armée ont certes profité de la mort de Kennedy, mais ce ne sont certainement pas les seuls. D'autres tout aussi puissants auraient certainement préféré qu'il reste en vie. Il est difficile d'affirmer catégoriquement quoi que ce soit. Et puis, avec ce levier, on peut remettre en question tout ce qui bouge: 'A qui profite la théorie du complot ? Y a-t-il un complot pour nous faire croire à la théorie du complot ?'... Vous voyez le délire... Garrison se pose aussi la question de savoir qui a les moyens de maquiller l'affaire. Hoover ? Johnson ? Probablement. D'autres ? Peut-être aussi, rien n'est sûr. Les incohérences sont telles qu'on a du mal à croire que la CIA ait pu pondre un tel plan, et je serais étonné qu'ils aient pris au pied de la lettre la citation d'Hitler que Garrison utilise "The bigger the lie, the more they believe in it". Pas de conclusions hâtives donc, ce n'est pas parce Stone en a fait un film que la théorie est vérifiée. S'il est évident que la version officielle est fausse, le reste n'est qu'interprétation.
Passons à la forme à présent. Elle est clairement secondaire car on est avant tout là pour l'exposition des idées du procureur. Stone s'équipe d'un casting extrêmement solide et les prestations sont donc à la hauteur. En revanche, JFK dispose de deux des personnages les plus chiants du cinéma:
- en premier lieu, le conjoint qui pique sa crise et fait ses valises en prenant les enfants parce que son mari/sa femme est trop absorbé(e) par son travail et délaisse sa famille. Je hais ce personnage (encore qu'ici elle revienne à la raison). Ton mari est en train de révéler au monde qu'il y a eu un complot contre JFK et toi tu fais la gueule parce qu'il interrogeait un suspect et n'a pas pu venir au repas de Pâques. Putain mais dans quel monde tu vis !!?!! On voit ce personnage dans plein de film, de Fincher à Le Diable d'habille en Prada et il me tape toujours autant sur les nerfs.
- 2e personnage hyper chiant: l'enfant tout candide, tout naïf, qui pose les questions les plus énervantes du monde au moment le plus inopportun possible. Du style, juste après une engueulade entre les parents avec sa petite voix fluette, "Dis Papa, vous allez vous séparer avec Maman ? Dis Papa, pourquoi vous vous disputez avec Maman ?". Il faut du sang-froid pour être parent.
C'est bien sûr secondaire à l'histoire mais je vous jure que j'avais envie de les étriper.
Toujours dans le négatif, Oliver Stone m'a déçu par son usage totalement inapproprié de la musique. C'est d'autant plus frustrant que j'avais beaucoup aimé son travail dans The Doors sorti même pas un an auparavant. En effet, on a souvent droit à de la musique qui s'emballe lors des monologues, elle part crescendo, le tempo accélère, on attend une grande révélation, du lourd qui va arriver et nous mettre le cul par terre et puis.... rien. En tout cas, rien qui ne justifie une telle montée de tension. Ça arrive plusieurs fois dans le film, et c'est frustrant. J'aime pas trop la frustration, ça me gêne.
Pour finir sur une note positive, je tiens à souligner la prestation XXL de Kevin Costner et en particulier son plaidoyer en fin de film qui prend aux tripes (il semblerait que les trémolos dans sa voix n'étaient pas dans le script, mais que l'acteur lui-même a été pris par l'émotion). Rien que pour cette démonstration le film vaut le coup.
JFK est un film passionnant, captivant, bien que souffrant de faiblesses de mise en scène. Il est long (3h21 en director's cut), mais c'est un incontournable. Prenez le temps de le voir, et vous attendrez avec impatience le déblocage des archives top secrètes.