Jigra
Jigra

Film de Vasan Bala (2024)

Au commencement, il y eut un être-symbole : la grande sœur.


Symbole de quoi ? De l’amour inconditionnel, de la protection, de la volonté. Ainsi face au suicide de son père – dans l’enfance – sa seule réaction est de cacher les yeux de son frère, sans penser à détourner le regard elle-même. Puis adulte la voilà maître de l’espace. Dans un tailleur froid, habit de professionnel, elle arpente une grande réception dans des travellings affirmés, où elle règle détails et autres problèmes personnels.


A sa suite, il y eut un froid système : la prison d’ un pays étranger.


Son petit frère sera enfermé là-bas et le film consistera en la longue tentative de sa sœur pour l’en faire sortir. Mais la prison est elle-même un symbole, celui de le force de la loi qui forme un cruel et étrange système : un gardien en chef poli, une bonne nourriture, peu de maltraitance de la part des gardiens, un respect absolu des règles mais la certitude, à la fin, de passer sur la chaise électrique lorsqu’on a été pris pour trafic de drogue.


Le film est alors un duel entre le désir individuel, le pouvoir des sentiments d’une grande sœur protectrice, et la brutalité d’une prison froide et de son imposant gardien en chef.


Peu à peu, pourtant, ces bonnes bases se détériorent. La mise en scène mettant d’abord l’emphase sur la confrontation en parole et la détermination en mouvement de l’héroïne (à travers l’espace froid et contrôlant de la prison), devient un entrelacement de présent, de futur et de séquences passés en prison, une image floue d’un scénario à l’arrêt où le détail des situations se perd dans une musique omniprésente et un montage de plus en plus rapide. La mort du détail signe la mort du beau paradoxe de cette prison-système : douce en apparence mais violente en ce qu’elle prépare à une mise à mort immuable. Le gardien en chef est alors un antagoniste, un homme à abattre, une attachante figure du mal, le symbole d’une force sans commune mesure, qui inflige de violents châtiments corporels et abat ses phrases écrasantes dans un anglais à l’accent délectable.


Après un très long sur-place, nous voilà tiré de notre torpeur. Le duel a enfin lieu. Voici le chaos qui s’abat sur l’image : camions en feu dévalant une colline pour venir s’exploser contre de grands murs, prisonniers et matons s’entre-tuant dans la nuit impénétrable d’un cadre tremblant, fumée d’extincteur emplissant l’image, chant en fond louant l’héroïsme de la grande sœur.


Malgré tout, même ce dernier spectacle n’est pas à la hauteur du potentiel du film, trop désordonné et trop sage (refus du sang), il offre seulement une amusante vision : la mise à mort de la tête d’un système par les bras d’un autre système.

KumaKawai
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le 15 oct. 2024

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