Il y a maintenant des années, je me rappelle voir vu ce personnage aux yeux rouges et son casque faisant penser à un seigneur sombre de la Guerre des étoiles ou à un soldat Allemand de la seconde guerre mondiale. Toutefois, je n'avais jamais eu l'occasion de voir ce que j'allais découvrir comme étant un véritable monument du cinéma.
S'inscrivant parfaitement dans un style mélancolique nippon assez spécifique, et incluant des références à la tradition européenne à savoir le petit chaperon rouge de Charles Perrault, Jin Roh de Hiroyuki Okiura est un film noir, chef d'oeuvre d’espionnage, de contre espionnage et de contre contre espionnage. Le scénario, s'inscrivant dans un Japon dystopique et uchronique se présente comme relativement complexe, et exigera du spectateur un léger effort, sans pour autant poser de problème de compréhension ni de confusion.
Ainsi, plaçant Fuse Kazuki, soldat d'élite de l'unité Panzer des forces de l'ordre de l'état Japonais, face Amemiya Kei, terroriste révolutionnaire, elle-même manipulée de manière terriblement réaliste, Oshii Mamoru fait évoluer ces deux personnages par essence antagonistes avec finesse et logique.
Illustré par un environnement sonore précis et efficace, le scénario présente une tragédie, où il est non seulement question dans de l'humain et de ses faiblesses, mais aussi de la manipulation et du complot dans une société politiquement sombre.
La référence aux syndromes post traumatiques bien connus des militaires d'aujourd'hui, se trouvera assez bien abordée dans ce film et bien incluse dans la logique générale de l'oeuvre de Okiura Hiroyuki, qui l'amènera même à être un des piliers du film : l'Homme peut être un loup mais demeurera toujours un Homme. Cette référence à Thomas Hobbes : "l'Homme est un loup pour l'Homme" est ainsi non seulement plus qu'évidente, mais n'a jamais été intégrée avec autant d'intelligence au cinéma que dans Jin Roh.
La qualité de la graphie est assez remarquable, les détails portés aux systèmes mécaniques comme sur la MG-42 portée par Fuse Kazuki est comme à l'accoutumée chez les Japonais très réussie. Le choix de teintes pastels très réussies ajoute au film un caractère détaché, poétique, rendant d'ailleurs le film durement réaliste et cruellement machiavélique. On regrettera cependant une animation parfois imprécise, et des émotions assez peu rendues à l'écran ; probablement était-ce voulu par le réalisateur, comme pour souligner la passivité face au drame, créant alors un effet fataliste évident.
La version française que j'ai vu était d'une excellente qualité et encouragera les plus récalcitrants à découvrir une autre approche que la version originale. Les voix choisies sont justes et n'incommodent pas, comme ce qu'on peut trouver dans certaines traductions de mauvaise qualité, encore trop fréquentes dans l'animation japonaise disponible dans l'héxagone.
Jin Roh est un film à voir absolument. Ne laissant pas le spectateur indemne après son visionnage, Jin Roh fait partie de ces films durs, noirs, et qui laissent un petit quelque chose et des émotions profondes au spectateur.