La petite trappe aux tons rouges
La petite trappe aux tons rouges
[Critique contenant des spoilers]
Dans un Japon uchronique et totalitaire, c’est du sein d’émeutes fluides et parfaitement montées que surgit l’être qui va tout changer. Ce petit chaperon rouge au regard comme seuls les mangas savent les dilater va être la réponse au casque intégral et aux yeux rouges électriques du soldat qui la tient en joue. De ce face à face originel découle la double direction du récit, plutôt habile dans sa première moitié.
D’un côté, l’humanisation du soldat d’élite, dont les entrainements futurs sont contaminés par l’imagerie du conte : la jeune fille, les loups, et l’amour naissant pour un être fragile.
De l’autre, les arcanes de l’espionnage, des complots et des jeux de pouvoir, matérialisés par les allées souterraines des égouts, où tout se joue, se noue et se règle par le sourd fracas des mitrailleuses automatiques. Ces séquences, obscures et oppressantes, très travaillées dans leur structure et leur architecture sonore, sont l’une des grandes réussites du film.
Le parcours opaque du protagoniste, entre sentimentalisme et dévouement militaire, se complexifie lorsqu’on apprend que la jeune fille survenue sur son chemin n’y est pas intervenue par hasard. Lors de leur rencontre, le mystère a changé de camp : lui tête nue, elle couverte de sa capuche, il est prêt à faillir devant l’arme inattendue du charme. La romance fabriquée devient elle-même un enjeu de pouvoir et va progressivement se délester de sa vertu libératrice pour resserrer à nouveau l’espace et durcir les traits.
Non dénuée de lourdeur, la deuxième partie souffre de cette perte de la confusion entre traumatismes, fantasmes et réalité, et ce retour à un récit plus pragmatique de contre-espionnage. Surtout, les parallèles avec le Petit Chaperon Rouge sont soulignés avec une pénible pesanteur. Le final a néanmoins le mérite d’aller jusqu’au bout de la tragédie annoncée : cette mise à nu d’un visage en quête de cœur n’aura été qu’une parenthèse, et la belle n’aura pas raison de la bête. Jin-Roh aura perverti le conte pour en faire une fable pessimiste, violente et sans concession sur les bassesses humaines dans les soubassements urbains.