Il s'agit, en soi, d'un bon documentaire. Seulement, il souffre d'une énorme tare : les personnes interrogées sont à la fois juge et partie. Il s'agit-là d'un des documentaires les plus subjectifs qui m'est jamais été donné de voir. Les notions de recul et d'objectivité en sont totalement absentes - je me demande même si elles n'ont pas été tout simplement occultées, et de manière totalement volontaire.
Tous affirment, sans nuance, que le projet de Jodorowsky aurait été grandiose s'il avait eu l'opportunité d'être produit, filmé et réalisé. Bien que le storyboard eut été finalisé, aucun géant hollywoodien n'a voulu produire ce "chef d’œuvre" qui a fini dans les tiroirs - l'adaptation a finalement été confiée à David Lynch, qui sortira le film Dune quelques années plus tard (1984).
Je vous propose de prendre le contrepieds du documentaire et de commencer par ce qui est évident, quitte à enfoncer des portes ouvertes : il est extrêmement facile de dire d'un film qui n'existe pas qu'il eut été génial. C'est d'ailleurs la première fois que je vois tant d'éloges sur une oeuvre qui n'a même pas existé.
Autre remarque, mais pas des moindres : les protagonistes jouent les génies incompris par la méchante machine à fric hollywoodienne.
Or, si Jodorowsky a connu de francs succès avec ses précédents films (dont on fait aussi l'apologie dans le documentaire...), je ne suis pas sûre que l'adaptation de Dune lui était destinée. Sa vision surréaliste de Dune, qui était certes novatrice, n'était pas forcément la bonne - ou juste bonne. D'ailleurs, ses modifications de l'histoire par rapport au livre ne m'ont pas convaincu, et je ne suis pas pour autant une grande puriste. Mais la vision de Jodorowsky est pour moi un réel délire, qui s'éloigne parfois tellement du livre que j'en viens à me demander si on est encore sur une adaptation de Dune ou juste sur les fantasmes délirants du réalisateur.
N'importe quelle société de production qui aurait accepté de produire une telle oeuvre n'aurait pas été simplement novatrice, mais aussi folle. Il est bel et bien possible de sérieusement douter que le film eut un jour trouvé un public comme semblent en être persuadés Jodorowsky et sa clique.
On remarquera d'ailleurs que le manichéisme n'a jamais été porteur de fine analyse.
Bref, un bon documentaire, mais beaucoup trop partial, qui se termine sur la mention de l'adaptation finalement concédée à Lynch, présentée comme "ratée" - ce qui, selon moi, est ouvert à débat - est vivement moquée par Jodorwsky comme un enfant qui, hanté par son propre échec, ne trouve qu'à se moquer de celui qui a réussi là où lui a échoué. Pour autant, à aucun moment je n'ai pu être convaincue que la version de ce dernier eut été meilleure, loin de là.
Selon moi, le documentaire trouve son principal intérêt dans l'épopée artistiquement riche et un peu folle, à l'image de son réalisateur, qu'a représenté ce projet pharaonique. Cela méritait bien un tel documentaire. Quant à sa présentation comme la vraie, la meilleure, l'ultime adaptation avortée de Dune, on aurait pu s'en passer...
Un documentaire certes passionnant, mais à prendre avec de (grosses) pincettes.