Au début des années 1970, après les succès en Europe des films El Topo et La montaña sagrada, le producteur français Michel Seydoux propose au réalisateur Alejandro Jodorowsky de produire son prochain film, lui laissant carte blanche. Jodorowsky se lance alors dans son projet le plus ambitieux : l'adaptation du roman Dune de Frank Herbert publié en 1965.
Stimulé par le roman, il souhaite en faire une expérience spirituelle qui changera la vision des spectateurs, ce projet devenant pour lui un idéal mystique et conceptuel, du fait notamment de la présence dans le roman de l'épice, qu'il relie avec les excès de son époque.
Comme on le sait tous, le projet de Alejandro Jodorowsky ne verra jamais le jour et ce documentaire, sorti en 2013 aux États-Unis et en 2016 en France, nous raconte à travers différentes interviews, la pré-production et l’échec du projet.
Dans Jodorowsky’s Dune, on voit le cinéaste rassembler autour de lui des auteurs qui l'inspirent et qui seront, selon lui, les plus à même de réaliser son projet. Il travaille sur les aspects visuels avec Moebius, avec H. R. Giger et avec l'illustrateur Chris Foss, ainsi qu'avec le spécialiste des effets spéciaux Dan O'Bannon.
Alejandro Jodorowsky prévoit aussi que la musique serait composée par différents groupes pour chaque planètes. C’est ainsi qu’il contacte Pink Floyd et Magma.
Concernant la distribution, elle comprendrait David Carradine, Salvador Dalí, Orson Welles, Mick Jagger, son propre fils Brontis Jodorowsky, et bien d’autres. Alejandro Jodorowsky et Michel Seydoux nous raconte comment ils étaient prêts à satisfaire toutes les demandes si nécessaire, même les plus farfelues du casting.
Alejandro Jodorowsky apporte des modifications à l'histoire originale de Frank Herbert qu'il confesse ne pas respecter, préférant montrer sa vision du roman, et admettant « violer » l'œuvre, mais avec amour. Des propos regrettables quand on a une vague idée de ce qu’il a dit et de ce qu’il a « présumé » fait sur le tournage de El Topo.
Après deux ans d'écriture du script et un storyboard quasi complet, lorsque l'équipe de production recherche 15.000.000$, elle se heurte au refus des studios hollywoodiens, qui craignent le tempérament de Alejandro Jodorowsky et ses ambitions, effrayés lorsque celui-ci évoque un film de 12 heures ! La production s'arrête alors net. L'abandon du projet marquera profondément Jodorowsky qui, blessé par ce refus, en tirera une rancœur concernant les majors américains, ces derniers employant l'équipe qu'il a réuni pour son projet sur d'autres productions hollywoodiennes, notamment Alien.
Ainsi on peut facilement penser que le projet initial a circulé dans les studios et que de nombreuses idées ont été reprises dans des films. Le documentaire ne se privera pas de révéler un nombre de films prenant dans le projet de Dune des parallèles ou des sources d'inspiration. Selon Alejandro Jodorowsky et Michel Seydoux, ainsi que d’autres, sans les idées développées par Jodorowsky dans son story-board, des films majeurs de la science-fiction n'auraient pas pu voir le jour à Hollywood.
Bien entendu, Jodorowsky’s Dune n’est pas de ces documentaires qui incitent à prendre de la distance vis-à-vis de la succession de légendes qui nous sont exposées : sa seule et unique fonction est de nous révéler à quel point ce Dune aurait été fabuleux. Les airs de making-of promotionnel qu’il emprunte par moments se révèlent d’ailleurs assez agaçants. Mais une dimension plus intéressante se révèle peu à peu derrière cette surface un peu lisse. Nous revivons en effet le montage du projet comme un de ces points de jonction de l’histoire, où plusieurs chemins se dessinent, incitant à se demander après coup « et si… ? ». Le film aurait peut-être, par sa simple ambition, éclipsé la sortie de la saga Star Wars, qui sait…