Nicolas ressort de sa Cage.
Le précédent film de David Gordon Green "Prince of Texas" m'avait laissé sur le bas côté, plutôt soporifique malgré la présence des excellents Paul Rudd et Emile Hirsch. Pour "Joe", il retourne encore au Texas mais cette fois-ci en compagnie de Nicolas Cage et Tye Sheridan, encore un excellent duo d'acteurs sauf que cette fois-ci l'histoire est tout aussi passionnante que leurs prestations, un beau film dramatique qui procure diverses émotions, une perle.
Nicolas Cage est un grand acteur qui a tendance à gâcher son talent dans des séries Z ou Walt Disney depuis quelques années, ou il peut cabotiner en toute tranquillité. Depuis "Lord of war", il me désespère et j'étais prêt à le caser dans la catégorie des talents gâchés par diverses substances comme Val Kilmer, Christian Slater ou Kurt Russell, même si c'est lui faire insulte vu que sa filmographie est quand même largement supérieure à ces trois-là réunis, mais quand on aime une personne, on a tendance à tomber dans l'excès face à la déception que celle-ci fait naître en nous.
Il retrouve ici un rôle à la hauteur de son talent, un homme en dehors des normes avec un lourd passé, assailli par ses démons. Tye Sheridan est un adolescent qui vit comme un clochard avec un père alcoolique et violent, il tente de protéger sa sœur et sa mère, tout en essayant de subvenir aux besoins financiers de celles-ci. Le destin va les mettre face à face pour le meilleur et pour le pire, chacun emmenant avec lui ses ennemis, le choc sera frontal et violent.
Cette violence est présente dès la première scène du film, avant de redescendre et nous laisser un peu de répit, de nous faire croire qu'elle n'est que partielle, alors qu'elle va revenir encore et encore, avec de plus en plus de force. Mais ce serait réducteur de résumer ce film par la violence, par cette tension omniprésente, il y a aussi des moments tendres, des sourires, des lueurs d'espoirs qui rendent l'ensemble moins lourd, des bouffées d'air frais par la grâce du rapport filial qui s'installe entre Nicolas Cage et Tye Sheridan, comme si le premier tentait de racheter son passé au travers de cet adolescent à la recherche d'une figure paternelle humaine et protectrice.
C'est un film d'hommes, les femmes ne font que passer, elles sont victimes ou prostituées, cela ne changent en rien le fait qu'elles soient humaines, j'ai vu plus d'amour dans les yeux de la gérante du bordel Sue Rock que dans ceux d'Adrienne Mishler qui tente de se faire une place dans la vie de Nicolas Cage.
Un autre duo d'hommes parcourent ce film, le père de Tye Sheridan qui est un vrai clochard et alcoolique dans la vie, Gary Poulter malheureusement décédé en fin d'année dernière, un talent brut dont le regard bleu acier va vous marquer pour un moment et Ronnie Gene Blevins qui a des airs de l'excellent Peter Sarsgaard, un personnage tout aussi sombre qui débarque sans prévenir, aussi malsain que lâche, une merde humaine.
Malgré la noirceur du film, on ne sort pas abattu de la salle, comme dans "True Detective" il y a cette lueur d'espoir qui permet de croire à un avenir meilleur pour ces gens auxquels on ne peut que s'attacher si on a un peu d'humanité en nous et même si parfois les scènes sont prévisibles, si la caméra de David Gordon Green s'emballe un peu et si c'est un peu décousu, l'ensemble fonctionne merveilleusement.
Le film n'est pas accessible à tous, j'en ai vu quitter la salle, ma binôme n'a pas du tout aimé, cela me déçoit tellement j'ai vu de la chaleur humaine dans la noirceur de l'histoire, mais peut-être faut-il un passé comme celui de "Joe", une adolescence comme celle de Tye Sheridan pour comprendre leurs attitudes, leurs blessures et leurs motivations. C'est du cinéma "vrai", on ne ressort pas indemne mais pas triste, la lueur est toujours là, elle nous attend tous, il suffit d'avancer pour la prendre et lui donner plus d'ampleur.