Voilà un film complètement barré qui rappelle un peu quelques productions des années 80-90, avec une narration chaotique, des idées folles et beaucoup d'audace. Le genre de films qui ne se vendra jamais en millions d'exemplaires mais que quelques spectateurs seront fiers d'avoir vus justement parce que ce sont des productions qui sortent de l'ordinaire.

Le scénario n'est pas un chef d'oeuvre, mais force est d'avouer que le ton décomplexé fait son petit effet. Ainsi, après une histoire plutôt classique mettant en scène Elvis, Don revient à ses phantasmes en y mêlant un peu du repas nu. La structure est chaotique, surtout dans le dernier tier du film où on a l'impression de regarder un autre film. Mais ça fonctionne, et on peut même dire que cela ainsi que l'achronologie du récit renforcent l'idée de base du film, à savoir cette substance qui permet d'être omniscient. Evidemment, si on va au bout des choses, c'est souvent incohérent et les résolutions en deviennent faciles (puisque tout est possible), mais Don a l'idée lumineuse de traîter les conflits avec sévérité. Car le conflit, c'est ce qui donne envie de rester. Et même si la résolution semble toujours venir de nulle part, les héros éprouvent des difficultés avant de la trouver (et en plus ils cherchent dans le n'importe quoi aussi, donc il reste tout de même une certaine logique). Néanmoins, cela reste un peu trop décousu narrativement pour que je prenne totalement mon pied. Mais le film regorge de scènes tellement jouissives, d'idées folles tellement marrantes et fun qu'il me paraît difficile de s'ennuyer, à condition tout de même d'avoir un minimum le goût du mauvais goût. Ne fut-ce que le coup de la moustache, ça mérite un oscar.

Côté mise en scène, il est agréable de constater que Don n'ait pas sombré dans la folie. Au jour d'aujourd'hui, où les effets numériques sont si faciles et si peu chers, il aurait été facile au réalisateur de créer un monde parallèle plus vaste. Au lieu de ça, il s'en tient à une manière de raconter propre aux décennies précédentes, c'est-à-dire un art de la suggestion. Le scénario est parfois tellement épique que la mise en scène sobre paraît maladroite (je pense notamment à cette scène où la voiture défonce les murs pour sauver notre héros) et puis parfois Don cède aux effets spéciaux, mais il a l'intelligence de bien s'en servir : le monstre final, par exemple, bien que gigantesque, n'est montré que par petites parties et le moins souvent possible. Donc, même si c'est mal fichu, ça ne dérange pas car on ne le voit pratiquement pas. Chaque utilisation du numérique est modérée et justifiée (on sent bien qu'il n'aurait jamais pu montrer ces scènes autrement, la suggestion doit parfois être sacrifiée à la démonstration frontale surtout quand le sujet parle de 'voir' les choses telles qu'elles sont réellement). Heureusement, Don, issu de la vieille école, revient aussi aux effets mécaniques, artisanaux et ceux là sont très réussis (en fait beaucoup d'effets numériques aussi, l'auteur semble vraiment connaître leurs limites). Au niveau de l'image, c'est assez bien léché : comme dans son précédent film, le réalisateur soigne son esthétique, et cela fait du bien : beaux décors, belles compositions. Rien de transcendant, mais on sent bien qu'il veut faire les choses proprement, il ne veut pas juste faire un film anarchiste. Et puis ce casting impeccable pour donner vie aux personnages. Giamatti, bien sûr, mais aussi les petits jeunes qui s'en sortent très bien.

Bref, "John dies at the end" jouit et souffre en même temps de sa désinvolture, de son audace ; dans tous les cas, même s'il ne s'agit pas d'un chef d'oeuvre, c'est tout au moins un très bon film qui sort des sentiers battus : même si l'histoire paraît décousue, les scènes en soi sont bien écrites, les idées bien exploitées, les scènes bien tournées : il y a du talent dans ce film, c'est indéniable. Ce qui est râlant, c'est que Don pourrait lancer une nouvelle franchise, ce qui me ferait plaisir, mais vu le peu de films qu'il a pu tourner jusqu'à maintenant, je doute qu'il puisse se lancer dans tant d'aventures en même temps : ce n'est déjà pas lui qui a réalisé son dernier chapitre de "Phantasm", on ne sait pas s'il finira par trouver un financement pour son prochain Bubbah, j'ignore s'il a prévu d'un jour continuer "John dies at the end" mais il pourrait clairement le faire à la condition, une fois de plus, qu'il trouve un financement.
Don, t'es vraiment un filou incorrigible, tu sembles prendre un malin plaisir à détruire ta carrière : certes tu es indépendant, mais si ça continue plus personne ne te prêtera même une caméra DV pour filmer ton univers de l'étrange (de toutes façons, tu sembles refuser ce type de production cheap...).
Fatpooper
7
Écrit par

Créée

le 15 août 2014

Critique lue 845 fois

9 j'aime

2 commentaires

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 845 fois

9
2

D'autres avis sur John Dies at the End

John Dies at the End
BaNDiNi
7

La sauce soja, ce mal absolu

Le film d'ouverture du Paris International Fantastic Film Festival 2012 est un gros WTF du réal de Bubba Ho-tep. Je n'ai strictement rien capté de l'intrigue, acadabrantesque et prétexte à toutes...

le 17 nov. 2012

13 j'aime

2

John Dies at the End
Fatpooper
7

Que la sauce soit avec toi !

Voilà un film complètement barré qui rappelle un peu quelques productions des années 80-90, avec une narration chaotique, des idées folles et beaucoup d'audace. Le genre de films qui ne se vendra...

le 15 août 2014

9 j'aime

2

John Dies at the End
EloFreddy
6

Délire sous LSD ou bad trip ?

On peut dire que le PIFFF commence bien avec ce film d'ouverture complètement décalé et délirant. Pas de superflu ou de présentation trop longue, on rentre très vite dans le sujet avec cette fameuse...

le 18 nov. 2012

7 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

122 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

121 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

108 j'aime

55