Comment fait-on pour rendre un film totalement dépourvu de la moindre substance et du moindre fond aussi éminemment sympathique?

D'abord, tu prends un bon réalisateur et un bon monteur qui comprennent que sur-découper l'action avec des caméras à l'épaule qui tremblent pour donner une sensation de mouvement plutôt que de tabler sur la chorégraphie, et la lisibilité de l'action est une mauvaise idée. Non, parce que tu peux retourner le problème dans tous les sens: ces mecs ont compris que montrer l'action et la réaction dans le même foutu plan était le moyen le plus efficace de susciter une réaction de la part de leur spectateur; en plus d'être tout de même bien plus classieux que les montages épileptiques dont la plupart des films d'actions nous gratifient. Non, parce que ça a l'air con à dire comme ça, mais la réalisation, c'est l'art du choix. Si ta réalisation, ça consiste à mettre 27 caméras autour de ton action et puis à tout remettre ensemble découpé à la tronçonneuse par petit bout comme un Leatheface de la péloche sous coke, t'es pas un réalisateur digne de ce nom.

Toujours coté réalisateur, tu prends un gars, Chad Stahelski c'est son nom (et il mérite largement qu'on le cite) qui a une connaissance intime du métier de cascadeur (son premier job) et qui utilise ses compétences de la manière la plus efficace possible en les intégrant dans son nouveau boulot de réalisateur.

Ensuite, tu te casses un peu le cul à aller voir les réussites majeures du genre que ce soit dans le cinéma HK, coréen et indonésien (parce que oui, on pense par moments à la maestria virevoltante des films de John Woo ou à la violence sans concession de The Raid en passant par la noirceur poisseuse qui sert de sous texte aux films made in Korea), ainsi qu'américain de la belle époque (Et Die Hard, c'est de la merde peut-être?!), et tu en tires les leçons qui s'imposent.

En s'inspirant de tout ça, voilà notre gars Chad qui t'orchestre chacune des scènes de son film comme un ballet de violence pure dont chaque plan est destiné à maximiser l'impacte qu'il aura sur toi.

Ensuite, même si le film n'est pas d'une profondeur sans fond, tu t'arranges quand même pour créer un univers intéressant. On peut presque parler ici de mythologie propre à l'univers, avec sa monnaie particulière, ses bars et hôtels réservés aux assassins (même si ça à l'air un peu crétin dis comme ça, mais le tout, c'est de pas te démonter et de pousser les concepts à fond), et tout un univers parallèle avec ses règles intrinsèques qu'on nous donne à découvrir au fur et à mesure de la progression du film (ce qui a l'avantage de rendre le film intéressant même en dehors de ses scènes d'action)

Enfin, tu prends un acteur complètement dédié à la cause de ton film qui ne ménage pas ses efforts pour incarner une espèce de légende digne de la Baba Yaga des assassins qu'est le personnage de John Wick. Et Keanu se donne à fond bordel!
Alors, okay, le type à une telle tête de gentil que c'est du rôle à contre emploi et qu'il ne parvient pas tout à fait à faire illusion, mais tu lui pardonne tout grâce à sa volonté sans faille et la concentration intense que tu lis dans son regard comme dans chacun de ses gestes. En plus voilà un type à qui on a souvent reproché une forme d'inexpressivité faciale qui colle ici parfaitement dans le cliché de l'assassin froid et sans pitié

Et voilà, tu as un film plus qu'agréable à regarder, filmé avec compétence et intelligence, aux enjeux clairs, ayant un fil conducteur simple mais bien mené jusqu'à sa conclusion. Un film qui n'a d'autre ambition que de te vendre un tour monumental sur des montagnes russes et tient ses promesses jusqu'au bout. La définition d'un film réussi en somme.

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le 26 mai 2019

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Samu-L

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