Un peu de violence, c’est les vacances : qui a vu John Wick sait à quoi s’attendre ; qui a réalisé le premier volet sait quoi offrir. Dont acte : dès les premières minutes, les tatouages se fracassent contre les poutrelles métalliques et la jolie voiture de notre badass se plie à ses moindres désirs meurtriers.
Tout le prologue inquiète néanmoins : sorte de miroir inversé du premier volet, (je fracasse, je rentre à la maison, je retrouve mon chien et je bétonne la cave), il ne semble avoir rien à offrir ; et ce n’est pas la relance du retour d’un vieux comparse et de la dette à honorer qui viendra dissiper les doutes.
C’est la ligne de crête très fragile du film : assumer son excès, tout en se prenant au sérieux. En matière de tuerie sans borne, on sera servi – mais, paradoxalement, au point de se trouver un peu anesthésié face à ce déluge de sang numérique et ces chorégraphies, certes virtuoses, mais assez redondantes. Wick est invincible, et quiconque l’approche finit avec le crâne en lasagnes : ça vous forge un héros, mais en terme de frisson, on repassera.
Quant au sérieux, il se déplace vers la construction d’un milieu. Alors que l’intrigue du premier volet se centrait sur Wick, cet épisode creuse son appartenance à une société secrète qui finit par réellement séduire. Car il ne faudra pas trop compter sur le protagoniste pour s’en charger. Certes, il est aussi polyglotte (russe, italien, langue des signes, respect) que taiseux, mais Keanu Reeves perd en épaisseur ce que le film gagne en diversité : le voilà réduit au rôle de distributeur automatique de plomb, et seul son visage fait vraiment peur, mix énigmatique entre botox et numérique.
Wick 2 est un film sur l’espace : par l’expansion citadine (Rome, puis New York), et par le soin avec lequel les décors sont exploités pour assurer le renouvellement des scènes d’action : les catacombes et leurs éclairages colorés, le métro, le musée et l’exposition d’art contemporain. Sans avoir rien de révolutionnaires, ces séquences, longues et soignées, témoignent d’un véritable savoir-faire et distinguent le film du lot commun. Le travail sur le montage, fragmenté temporellement pour dynamiser les répétions, y contribue aussi. Progressivement, l’atmosphère s’alourdit : un concert d’électro à Rome, un vernissage classique au musée, et une propagation de la société secrète sur toute une ville, où le nombre d’initiés semble finalement dépasser celui des citoyens lambda : des tueurs à chaque coin de rue, des clochards sentinelles… à renfort d’une petite mythologie old school (un côté Ghost Dog pour les pigeons voyageurs, voire Caro et Jeunet pour les secrétaires tatouées et leurs pneumatiques), le délire prend corps.
Alors oui : John Wick peut nous emmener dans un labyrinthe de miroirs et contribuer par des Pollock’s style aux murs blanc d’un musée classieux : puisque le monde va à sa perte et que les mafias le dirigent, autant qu’ils s’entretuent avec classe, et en musique s’il vous plait.
(6.5/10)