L'arbre qui cache la forêt

J'avais un peu perdu l'envie d'écrire sur des films tant les œuvres vraiment impactantes disparaissent de nos écrans. La faute à qui ? Peut être aux producteurs qui ne financent que des films pour le plus grand nombre, sous unique garantie d'une logique commerciale comme si toute proposition ne pouvait attirer les foules (exemple du four Alita). La faute aux critiques qui encensent seulement les productions moyennes. On se demande fondamentalement pourquoi des films sont mis en avant à la vue du mauvais goût qui transpire de ces productions.
La faute surtout aux spectateurs qui contribuent nettement à la moyennisation du cinéma et du cinéma de divertissement, se contentant de peu à l'image d'un film comme Venom, véritable injure au matériau d'origine ou encore l'exemple de se dire qu'une soirée Netflix entre potes c'est trop la classe.

DC et Warner font figure de cas d'école. Tout d'abord parce que DC a essuyé un revers critique colossal avec Man of Steel et BvS sans que ces critiques soient fondées au regard de la comparaison inéluctable avec Marvel et des films qui ne proposent rien hormis quelques trop rares exceptions. Ensuite, la critique négative influence sans aucun doute des consommateurs toujours plus soumis aux grandes firmes telles que Netflix ou Disney. Ah la la que c'est triste cette culture de l'instant et du tout de suite vu, tout de suite oublié. Enfin on ne peut que critiquer les commentateurs de nous autres spectateurs n'acceptant pas d'autres propositions de cinéma. Qu'y a-t-il de mal à aimer un film sombre ? Pourtant cette proposition complète parfaitement l'hégémonie de Marvel, mais la populace ne peut aimer qu'un seul registre ! Oui, aujourd'hui les masses se déplacent en salle seulement pour passer un moment fun et oubliable avant d'aller se gaver dans des restaurants à volonté de qualité déplorable et de le poster sur les réseaux sociaux. DC ne pouvait que se planter par la suite avec des films au ton trop mature ou trop assumé (Aquaman) puis d'autres banals et bancals Suicide Squad, Shazam).

Et pourtant. Un jour dans ce constat terrible une idée germe et un chef d'oeuvre prend vie. Les années 2010 sont assez tristes alors que 2019 arrive à son terme. Combien de grands films sont dans cette décennie ? Combien de films nous restent en-tête plusieurs jours après l'avoir vu ? Si peu. Trop peu.

Joker est de cet acabit. Un film qui marque. Joker est un film qui va compter, du moins je l'espère à la vue de son succès au box-office. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement tant tout dans ce film s'approche de la perfection. Joker marque les esprits avec un combo grand acteur, mise en scène au niveau, photographie léchée, musique envoûtante et scénario travaillé. Difficile de parler davantage d'un film qui doit se vivre et s'expérimenter et rien que pour ça il mérite de s'y pencher pendant deux heures.

On ne peut qu'espérer des films dans ce registre osé et nettement au dessus de la mêlée. Joker s'inscrit dans l'histoire mais a contrario il ne figure pas de logo DC comme si la marque doit s'effacer pour prospérer. Je reste admiratif devant ce film qui prend à contre-pied tout ce qui se faire ailleurs. Malgré ce sentiment d'accomplissement total il me reste des doutes à la seule écoute des autres qui à la sortie de la salle se disent "C'est un DC pas Marvel donc c'est nul".

10/10