19H
Arrivée dans l'antre de la folie.
Je déserte. Je déserte le pédantisme et le calme de l'art et essai au profit du non moins calme déferlement sensoriel propre à l'atmosphère si accueillante des multiplexes. Mes pas sont lourds mais décidés. Ils sont lents, probablement retenus par la quantité dantesque de maïs soufflés et enrobés de sucres qui jalonnent le sol du vénérable établissement.
Un délicat fumet vient me caresser. Celui de la foule, écrasante, qui, par sa densité et son agitation, me permet de comprendre pourquoi je foule ce tapis de vivres. Le bruit assourdissant que d'aucuns qualifierait de chaleureux m'entoure et achève de me transformer. Je ne suis pas d'aucuns et, emporté par la foule, je prend mon ticket qui, encore heureux, m'est offert.
La salle s'ouvre. La horde se rue, le troupeau bêle et le désespoir s'empare de moi.
19H30
Bruits de bouches. Paroles. Agitation des corps. Cris. Mastications. Souffles de tempêtes. VACARME. Des odeurs de sucreries et non de sainteté émanent de partout. Je hais ces gens. Je vais devenir fou.
Après des interminables pages de réclames qui portent décidemment excellemment bien leur nom -je ne réclame que la fin du supplice, si seulement...- la lumière se fait plus tamisée, le film va commencer.
21H45
Les lumières reviennent déjà et le film est terminé.
HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA
Je crû devenir dingue, avant même le premier plan.
Je que j'ai pensé du film est désormais conditionné par cette expérience, vous voilà prévenu.
J'aurais voulu être aussi emporté par ce film que la masse des internautes. Ce n'est pas le cas. Que le film mette en évidence une folie, c'est une chose. Ici, elle est très bien mise en scène, c'est progressif, fluide et foutrement jouissif. Une plongée dans l'enfer de la psyché d'un homme, quel programme !
Le film se passe dans l'univers du Batman, certes, mais j'ai la constante impression que cette société, au bord de l'explosion, en permanence, n'a pas besoin du Joker pour partir en vrille. Et quelle vrille. Cette société, qui pourrait être une société comme une autre, craque de partout.
Quelque chose me dérange pourtant... C'est attendu. J'attends la progression (la progression... c'est vite dit) de la folie d'Arthur, je suis en terrain connu. Paradoxalement, concernant un film qui traite d'un personnage aussi imprévisible et chaotique que le Joker, je le trouve un peu, comment dire... sage ?
C'est sage car attendu et c'est attendu car sage. Quid du traitement de la voisine par exemple ? Pas assez frontal ?
HIHIHIHIHIHI
Je ne sais pas.
Un choix louable ?! Il n'y a, à proprement parlé, pas d'intrigue. L'intrigue évolue par la folie du personnage principal. J'aime assez. On plonge avec lui dans une atmosphère anxiogène, où tout est solitude, incompréhension. Luxe, calme et putain de volupté.
Joker ? L'envers c'est les autres.
Joker c'est un film sur l'envers du décors. Ce qui se passe derrière la façade du clown... On rit. On rit par lui et de lui. Mais lui, rit-il ?
Le film le présente par son rapport aux autres et à lui-même. Ce film est le Joker du jeu de carte, celui qui sort de nulle part et change les règles du jeu, pour lui et par lui.
L'envers des strass, de télévision, de la richesses, de la célébrité. Et ça, ça vaut bien un meurtre en direct, pour que l'envers devienne visible de tous.
Le Phénix Joaquin donne une dimension intéressante de la folie du personnage. Il la rend humaine. Compréhensible par tous. Je l'appréhende par un prisme, celui, non pas de la performance de l'acteur mais par celui, intimement lié, de la compréhension du personnage par cet oiseau de feu.
L'acteur a compris le rôle, il s'en est emparé et je suis parfaitement d'accord avec les dires de ceux qui portent sa prestation en haute estime.
L'envers du décors ? Pourtant, la photo est travaillée, je trouve que les plans manquent un peu d'âme, systématisant les effets de mise en scène, ils manquent de folie. Étonnant, non ?
HA
HAHA
HAHAHA
HAHAHAHAHAHAHAHAHA
Ce rire est réussi. Ce rire constitue un trait principal du personnage. Principal, c'est le mot. Il est bien trouvé ce rire, et rend bien sur la durée du film.
J'ai apprécié ce film. Peut-être pas autant que tous mais, tout de même.
Le Joker devient un symbole, sans le vouloir. Là est la parfaite ironie qui résume ce film.
N'empêche. A l'image du Joker qui se transforme en emblème, porté aux nus par la foule, si ce film peut faire des petits, inspirer les gens... Pourquoi pas.