En pleine hype, n'y aurait-il pas une légère exagération autour de ce film ? Effectivement, Joaquin Phoenix est brillant. Squelettique, voûté, le visage émacié, le regard hagard, mais aussi vif, doté d'une gestuelle gracieuse, de réflexions profondes, et d'une esprit d'analyse glacial, c'est un personnage presque bipolaire qu'il porte brillament à l'écran. Arthur Fleck, un homme à première vue simplet, souffrant d'un handicap et de troubles mentaux, qui tente de se conformer à ce que la société attend de lui, jusqu'à ce qu'il ne lui soit plus possible de retenir cette facette plus dérangeante de sa personnalité.
C'est finalement ce que raconte ce film, prenant le nom de Joker, sans pour autant réellement amener à l'écran cette figure mythique des comics. Certes, il est question ici des "origines" du personnage, et le réalisateur glisse également plusieurs clins d’œil à l'univers de DC Comics, tout en gardant une ambiguïté représentative des nombreuses dérives mentales du Clown, Prince du Crime. Néanmoins, c'est un film d'auteur qui aurait pu mettre en scène n'importe quel autre quidam. Car le reproche, finalement, c'est que cette ascension (ou régression) vers la psyché du Joker prenne la totalité du film, et que l'on ne puisse pas passer plus de temps avec le personnage qui donne son nom au film. Car il reste encore beaucoup à raconter pour que cette version de Mr. J soit à maturité et, a priori, ce n'est pas prévu par l'équipe artistique derrière ce long-métrage.
Ce qui est bien dommage au vu de la qualité artistique du film. Tout d'abord, il y a cette mise en scène superbe de la part de Todd Phillips qui surprend par sa maîtrise du sujet, et son esthétique de film noir, malgré quelques gimmicks redondants comme ses plans en conte-plongée. On note également une lumière superbe pour cette représentation d'époque influencée par l'état d'esprit du personnage central. Mais, surtout, l'autre composante majeure du film est la musique incroyable de Hildur Guðnadóttir, une bande-son perturbée, tendue et dérangeante, qui ne fait qu'épaissir l'atmosphère de violence délétère croissante qui accompagne les deux heures de cette œuvre d'auteur psychologique des plus audacieuses.