Todd Phillips s’affranchit des codes du genre pour livrer une fresque sombre et torturée dans un Gotham au bord du chaos dont Arthur Fleck deviendra le catalyseur.
Ce Gotham crasseux nous happe dès les premières minutes du film et vient installer cette tension si caractéristique qui suivra Arthur tout le long de son évolution. On ressent ainsi toute la douleur du personnage mais surtout sa fragilité face à une société qu’il ne comprend pas mais qu’il tente d’intégrer malgré tout.
Ce décalage entre lui et la société ne fait que se creuser tout au long du film, au fur et à mesure que les liens qui le préservent de la folie cèdent un à un ... Et c’est là tout le génie de Phillips qui vient piocher dans un background sale et extrêmement violent pour construire son personnage et nous faire prendre conscience qu’il peut sombrer à tout moment. Sa transformation en Joker en devient finalement une véritable libération de tout ce qu’Arthur Fleck a gardé si longtemps caché en lui.
Visuellement, on est ici très proche d’un film à la David Fincher comme Seven : on est transportés dans un univers qui transpire le malaise et dont on a parfois envie de s’extirper tant il joue avec nos émotions.
Tous ces éléments suffisent à faire de ce Joker un très bon film, mais ce qui le rend superbe reste l’incarnation qu’en fait Joaquin Phœnix. On le sait, camper un personnage comme le Joker, devenu presque mythologique, n’est pas une mince affaire (RIP Jared Leto). Pourtant on comprend dès la première scène que Joaquin Phœnix est Arthur Fleck et inversement. Son interprétation est sublime dans sa subtilité et touchante par sa détresse que l’on ressent jusqu’à la fin. Il réussit le tour de force de mélanger les émotions de son personnage avec brillo sans jamais surjouer. Mention spéciale à ses crises de fous rires à répétition qui nous plongent paradoxalement dans ce qu’Arthur Fleck a de plus sombre au fond de lui grâce à un simple regard qui en dit long sur sa psychologie.
Ce film ayant développé chez moi un penchant schizophrène je suis désormais tiraillé entre l’envie de revoir ce Joker dans un autre film
autocentré ou dans un univers plus familier en tant que véritable ennemi de Batman et l’envie de le laisser tel qu’il est, touchant et se suffisant à lui-même.