Au risque de ne pas être très original, j'ai adoré Joker. Sa seule bande-annonce provoqua un engouement énorme, et un sentiment de confiance se mêla à l'attente : Joaquin Phoenix est un acteur immense, qui a d'ores-et-déjà fait ses preuves, et dont personne ne doutait de sa capacité à incarner le personnage du Joker.


Jouer le rôle du psychopathe, ce n'est pas si difficile ; c'est d'ailleurs bien plus facile de jouer un rôle à l'extrême opposé de ce que nous sommes. Le véritable obstacle qu'avait Joaquin Phoenix, c'est d'une part qu'il devait s'accaparer un personnage connu de tous (ce qui sous-entend qu'il devait être fidèle au personnage de DC tout en ne copiant pas ce qui avait déjà été fait), et d'autre part de passer après des interprétations mythiques, et notamment celle de feu Heath Ledger dans The Dark Knight, avec qui la comparaison est inévitable.


A la question "qui est le meilleur Joker ?", je ne saurais quoi répondre. Heath Ledger apparaît au mieux une vingtaine de minutes à l'écran, mais monopolise l'attention et fascine malgré son rôle secondaire. Joaquin Phoenix a la chance d'être au premier plan, son interprétation doit être par nature plus remarquée, mais il parvient tout de même à se détacher de ce qui a déjà été fait en créant vraiment un personnage original, attachant, et complètement dingue. Il ne perd jamais de vue le Joker tel qu'on l'imagine. On peut vraiment saluer la subtilité de son interprétation.


Ceci étant dit, même si Joaquin Phoenix est exceptionnel, on ne peut pas lui attribuer l'ensemble des mérites du film. Tout d'abord, son personnage serait moins expressif s'il n'était pas accompagné par une bande originale formidable, qui souligne de bout en bout la folie grandissante du Joker. Le choix des cordes frottées (notamment contrebasses doublées à plusieurs octaves) comme instruments de prédilection permet de refléter la gravité délirante de l'état mental du Joker, ainsi que la tragédie qu'est sa vie.


Car oui, il s'agit purement et simplement d'une tragédie, dans sa forme la plus pure : Joker s'inspire directement du Nouvel Hollywood, et fait d'ailleurs plusieurs fois explicitement référence au Taxi Driver de Scorsese (lorsque le Joker joue avec le pistolet, ou bien lorsqu'il fait, à plusieurs reprises, le signe du suicide avec sa main).


Le personnage de De Niro dans Taxi Driver s'apparente d'ailleurs énormément à celui de Phoenix dans le Joker : ils ont en commun leur solitude, leur détresse, l'incompréhension de leur entourage, l'appréhension des femmes, leur descente inévitable aux Enfers et surtout leur statut de héros qui fait irruption à la toute fin. D'ailleurs, ce n'est sans doute pas innocemment que Joaquin Phoenix tue Robert De Niro dans Joker, je l'ai perçu comme une passation.


Nous arrivons à la fin des années 2010, marquées par la démocratisation croissante des films de super-héros (notamment suite au rachat de Marvel par Disney) offrant des films toujours plus standardisés. Un jour, nous parlerons des films de super-héros comme d'un genre ringard, au même titre que le western l'était après les années 60. Mais tout comme les westerns ont connu leur apogée/fin avec les westerns spaghettis de Leone, peut-être que nous parlerons de Joker comme d'un film à part du genre héroïque, un véritable film d'auteur à l'immense succès, comme il y en a rarement.

Monsieur_Cintre
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le 26 oct. 2019

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Monsieur_Cintre

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