Arthur Fleck, comédien dans une agence de clown, essaye tant bien que mal de s'intégrer dans la ville de Gotham, en proie à des troubles du fait de crises économiques.
Sur fond de ville déchéante, Arthur va subir quelques déconvenues qui vont le mener, peu à peu, vers son prochain rôle, bien plus icônique mais aussi bien plus immoral.
Acclamé de toutes parts, on se pose la question au moment de la séance de la possibilité de rester insensible aux critiques dythirambiques de la presse et autres chanceux qui ont vu le film avant sa sortie officielle.
Le constat est le suivant : ce film est une excellente adaptation du personnage. Reprennant ses caractéristiques principales : un rire gênant et opressant parfois (ici conditioné en "handicap"), un jeu de cache-cache entre vérités et mensonges, une nature à détester le système et a vouloir le détruire dès lors qu'il ne réagit pas comme il le veut.
Le Joker est un villain compris dans ce film voire un anti-héros. Ce personnage faible, agressé, qu'on prend en empathie et qui, progressivement, se forge un aspect iconique suite à un acte déclencheur de la transformation.
Une transformation qui suit la plongée de Gotham dans un conflit entre caste politique, patronale, et la caste populaire de personnes socialement laissées pour compte. Au chômage, à la rue, on tombe dans la violence rarement bien fondée.
Arthur fonctionne alors en catalyseur final d'une chute annoncée tout au long du film. La déchéance de cette ville, c'est la libération d'Arthur et de sa vérité. Celle où il aime la violence, où il veut montrer l'animal dans l'homme et le révéler au monde. Ce moment où Arthur devient le Joker.
Le propos dystopique du film n'est pas hors du commun mais ultra contemporain. Du traitement sensationaliste de l'information par les médias au fossé créé et approfondi de plus en plus entre riches et pauvres, on a le droit à une descente aux enfers d'une société malade et qui se veut comme un reflet de la notre.
Joaquin Phoenix est un Joker qui peut regarder dans les yeux Nicholson et Ledger sans trembler. Très maniéré sans jamais trop en faire, il est aussi très fort dans cette gestion d'un rire qui n'exprime aucunement la joie. Quel force pour réussir dans un rire à montrer colère, tristesse, froideur et déception.
Il participe énormément à l'esthétique de ce film et à son rythme très particulier où on s'accroche beaucoup de temps au personnage avant de le voir briller de mille feux dans un dernier acte brutal qui laisse sa trace.
La réalisation se veut très stylisée. Un peu trop lourde à mon goût. C'est pas mauvais mais le travail d'iconographie du personnage est un peu lourdingue, là où la performance de Phoenix aurait dû être suffisante.
On signalera aussi le côté assez ficelé des retournements et un scénario dont on capte assez vite les chemins qu'il va prendre. Mais la progression du personnage, ses actes et sa folie ne sont pas là pour être des surprises tant on le suit intimement. L'important n'est pas la destination et de la connaître mais de suivre le voyage.
Joker, c'est une des origines du villain de DC, mais c'est aussi plus globalement le suivi d'un homme malade, incapable de rentrer dans un moule malgré les volontés de chacun de l'y enfoncer.
C'est l'histoire d'une détresse d'un humain incompris, devenu monstre acclamé d'une ville déchue qui sombre dans les ténèbres en même temps que lui touche sa lumière.
Joker, c'est l'histoire d'une ascencion d'un personnage écrasé, libéré de la pression de la société et du poids des responsabilités et qui comme il le dit "n'est pas politique". Il profite du chaos pour écraser les autres et sortir d'une cage dans laquelle on tente de le mettre.
C'est pas la perfection que tout le monde essaye de vous vendre, mais c'est un sacré film quand même, surtout pour les fans du personnage.
On reste sur un standing très US donc le propos n'est pas le plus anti-système que vous verrez, mais cela reste, pour un film qui va toucher un public large, un tour de force que de proposer quelque chose d'aussi riche sur ce personnage.