Je ne vais pas encore tourner autour du pot, c'était une grosse claque. Véritable ovni, ce film n'est pas, comme je m'y attendais, du fan-service destiné à un grand public, ne dépeignant qu'une image lissée de l'histoire de ce fascinant personnage aux multiples facettes. Très sombre et torturé, JOKER s'intéresse en particulier à la construction psychique d'un tel criminel et au basculement vers la violence des marginalisés, se parant d'une photographie, d'une bande son, et d'un acteur exceptionnel.



Genèse réaliste de la folie "Joker"



Alors que les bandes dessinées ne traitent quasiment pas de l'enfance et du passé de ce personnage plus qu'atypique, la majorité des précédentes adaptations cinématographiques indiquent au spectateur que la folie et l'apparence singulières du Joker sont dues à un bain toxique accidentel, qui a modifié son apparence en lui blanchissant sa peau et en lui teignant les cheveux en verts.
Dans The Dark Night, par exemple, le passé du Joker est quasiment inconnu, lui même s'amusant à livrer différentes versions de l'origine de sa cicatrice rouge sang qui lui dévore les deux joues.


Cette fois ci, JOKER privilégie d'avantage l'impact du milieu familial et la marginalité sociale pour tenter d'expliquer l'origine des pulsions meurtrières du personnage.


Poussé à l'extrême, ce sentiment de solitude et de laissé pour compte rend fou et criminel (à Gotham). Nous pourrions dire qu'Arthur Fleck, alias Happy ou Joker, est une de ces personnalités borderline, instables sur le plan affectif, et ayant de grandes difficultés à maîtriser ses sentiments. D'où ce rire si troublant ou la répétition du mime de son propre suicide. Ce trouble spécifique de la personnalité, étudié par Catherine Blatier dans son ouvrage Les personnalités criminelles, implique de nombreux faits de violence et de criminalité.
Nous pourrions également indiquer que le Joker appartient à la catégorie des "tueurs de masse", en ce qu'il tue plusieurs personnes dans un même endroit (scène du métro), avec un mode d'action solitaire.


Mais là ou ça devient vraiment intéressant, c'est lorsque nous somme entrons dans l'intimité du Joker, dans son petit appartement crasseux ou il vit avec sa mère. Je ne peux pas trop en parler sans spoilers, mais l'étude de la maltraitance des enfants, associée à la pauvreté, au chômage, et à une situation d'isolement social, vus comme "facteurs de risque" conduisant à la criminalité, y est centrale et très intéressante.



Un satire sociale sur le délaissement des marginaux



Fiction paradoxalement réaliste, ce film est une véritable satire sociale sur les germes de la délinquance et sur la place des hommes délaissés par la société. Cette nouvelle interprétation de la vie et des origines du Joker est, non seulement plus réaliste, mais bien plus ancrée dans le temps et dans l'histoire de la ville imaginaire de Gotham, qui est, au moment du film, dans un état radical de basculement vers l'anarchisme et la rébellion des minorités.
Les jeunes élites privilégiées sont critiquées, les agressions de rue se se multiplient, jusqu'à ce que les meurtres, la délinquance et le terrorisme parviennent à terroriser mais également à fasciner.


Cependant, le film réussit à ne pas faire l'éloge de la violence, en ne faisant que l'explorer sous diverses formes (psychologique et physique).



Is it me, or is it just getting crazier out there ?



Enfin, cette critique/analyse ne serait pas complète sans rendre hommage à la magnifique photographie du film. Les plans de Gotham sont grandioses, mêlant espaces industrialisés et zones délabrées. On se croirait presque à New York, avec ces taxis jaunes et ses plateaux de talk-shows à la Jimmy Fallon, mais pas tout à fait... Puisqu'une grande ligne de tramway scinde la ville en deux à la manière du El de Chicago, et que les différences de dénivelés (sublime scène de danse sur les escaliers) nous font penser à la baie de San Francisco. La palette de couleurs est, quant à elle, riche, lumineuse, presque pop, et ne fait que trop bien contraster avec cet engrenage permanent de tensions.


De plus et pour finir, Joaquin Phoenix (Gladiator, Her, Les frères Sisters), nous livre une interprétation absolument grandiose de cet éternel méchant (peut être une des meilleures), digne de grandes futures récompenses.


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louizmo
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le 9 oct. 2019

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