Éloge de la folie, apologie de la rébellion ?...

Dès la projection de la bande annonce, ce Joker avait fait forte impression. On devinait que ce ne serait pas un énième film de super-héros, fut-il sombre, mais une interprétation forte nourrie par un acteur talentueux.


Alors que le sujet traite de la Némésis de Batman, il aurait pu s'inscrire dans n'importe quel autre contexte. Sauf qu'il s'agit de Gotham City et du fou au sourire déjanté. Mais à l'entame du film, c'est un homme ordinaire, Arthur Fleck, qu'il nous est donné de suivre. Certes, son existence de clown n'est pas drôle et vivre en vieux garçon aux côté de sa mère n'est pas de tout repos. D'autant que son existence est faite d'avanies en tous genres : brimades, injures et coups constituent son lot quasi quotidien. Il endure encore et encore jusqu'au jour où...


Tout le sel du film se situe en effet bien là. A quel moment la psyché d'un homme déjà fragile bascule t'elle dans la folie ? Quel événement fracture l'équilibre et dévaste la fêlure déjà présente ? Certains d'entre nous pourront ressentir comme une forme de juste retour des choses lorsque, face à une injustice flagrante, cet homme décide de se rebeller contre ses tourmenteurs.
Toujours est-il que seul le premier pas est le plus difficile à franchir. Une fois la digue rompue, les flots tumultueux de la folie peuvent submerger son esprit et alors... alors tout devient possible. La gestuelle de l'acteur change, son comportement se modifie subtilement et le Joker est né.


Joaquim Phoenix livre là une composition de premier ordre. Il a déjà contraint son corps à maigrir d'effrayante manière, il habite son personnage tout comme il avait jadis animé un empereur Commode bien aliéné. Il réalise un véritable tour de force qui hypnotise le spectateur, un tourbillon de folie qui mute bientôt en un ouragan de violence contagieuse. D'aucuns y verront un appel à a rébellion des sans grade, des invisibles broyés par une société des "winners". Si l'on creuse un peu la question, on peut y discerner une illustration de ce que la foule peut faire, de qui elle peut suivre si ce personnage cathartique se montre suffisamment éloquent. Combien de tribuns ont-ils été portés au pouvoir par une foule fanatisée au cours de notre histoire récente ? 1922 au cœur de la botte, 1936 sous la svastika, 2016 sous l'aigle aux 50 étoiles...


Forgé dans le creuset de l’injustice, du mensonge et de la maltraitance, Arthur Fleck s'est transmuté en Joker, pour le plus grand plaisir de spectateurs qui auront pris une claque monumentale. Une oeuvre qui aura changé la façon de percevoir les super-héros pour un grand nombre de non amateurs. Un petit miracle cinématographique comme il en émerge parfois des salles obscures.... comme l'esprit de cet homme torturé.

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le 18 oct. 2019

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