Suis-je bizarre ou anormal ? pour reprendre un des thèmes du film, mais je ne sais pas trop quoi penser de Joker.
Je suis sûr que ce n’est pas un chef d’œuvre.
Je ne l’aime pas mais je lui trouve des qualités.
La photo est moche et terne, sous prétexte des années 80 et de sa correspondance/influence scorsesienne avec La valse des pantins et Taxi Driver, lui-même un moment rattaché au projet. J’y trouve quelques relents de Drive sans la puissance évocatrice et les fulgurances de violence.
La réal est sans intérêt. C’est du Todd Phillips. Avec le vieux logo Warner seventies et eighties comme note d’intention, le film nous promet une ambiance films du Nouvel Hollywood: âpre, rugueux, sans concession.
La lumière est blafarde. Il n’existe aucune ambition de mise en scène. Certaines scènes et enjeux du film sont imposés au forceps.
Mais il ne raconte pas grand chose. L’écriture est loin d’être subtile.
Je suis allé voir Joker pour le sujet et Joaquin Phœnix.
L’environnement dans lequel Arthur Fleck navigue est réussi. On sent une vraie tristesse, que Gotham City est en train de partir en vrille, que la colère monte. Mais contrairement à V pour vendetta où le peuple se rebelle contre l’oppression d’un gouvernement fasciste et dictatorial. Ici, c’est un mec lambda, certes schizo et dépressif, qui serait l’exemple à suivre pour changer la société et renverser la caste des nantis dont Thomas Wayne, candidat à la mairie de Gotham City, est le symbole et représentant antipathique. La foule commence à porter des masques de clown. Est-ce pour rendre hommage à un tueur qui a abattu trois connards de yuppies ? Un peu léger comme raisonnement.
En plus de la découverte manquée de ses origines, il se rend compte qu’il n’est rien. Rien de plus qu’un déchet. Comme ceux qui recouvrent littéralement les trottoirs de sa ville.
Il n’y a plus de mystère, on rationalise le personnage. Il est victime de la société alors qu’il est censé être un agent du chaos, le Mal incarné. Et l’ignorance habituelle de ses origines et de son identité le rendent encore plus dangereux et inquiétant.
Je suis allé voir Joker pour le sujet et Joaquin Phœnix.
Il est un des meilleurs acteurs de sa génération. Period.
C’est une vraie performance ici. Je mentionnerai juste les 25 livres perdues pour le rôle car là n’est pas l’essentiel.
L’interprétation est très théâtrale, à la limite de la pantomine. Joaquin Phoenix le joue très physique. Tout passe par le corps et ses mouvements. Il danse beaucoup.
Mais la coquille est un peu vide. Le propos est vain. On cherche à nous faire éprouver de l’empathie pour un sociopathe.
Comme Arthur Fleck, mon sentiment sur le jeu de Phoenix est ambivalent. Lors de certaines scènes, je ne sais pas si son incarnation est risible ou ridicule. Ou si elle est subtile et éblouissante. Je me pose encore la question.
Le rire réussit à être malaisant, qui est l’effet recherché mais il confine également au grotesque. Est-ce voulu ? Joker reste un clown, un fou pour les autres ? Même si sa folie le ramène à plus de lucidité sur sa vie et celle de ses contemporains...
C’est un rire qui lui fait mal; à nous aussi.
Quelques scènes sont réussies, la performance est énorme mais le film nous laisse avec un goût d’inachevé et on se prend à rêver à ce qu’aurait pu être le film avec à sa tête un visionnaire comme Scorsese… Le problème est peut-être de vouloir le rattacher à tout prix à l’univers de Batman et aux Wayne alors qu’il aurait fallu se concentrer sur ce grand personnage qu’est le Joker.