Moi qui pourtant ne suis pas un vrai fan du genre (même si j'ai adoré le Batman 2 de Tim Burton et bien aimé les Spiderman 1et 2 de Sam Raimi), je n’étais pas certain d’apprécier ce Joker de Todd Phillips, d’autant que j’aime passionnément les clowns positifs comme Chaplin ou Keaton et suis plus circonspect face aux maléfiques et horribles.
Mais force est de constater que ce Joker, m’a mis une grosse claque !
Esthétique d’abord grâce à une superbe photo, une mise en scène virtuose et une bande son qui cartonne (un peu trop de musique toutefois).
Mais surtout, pour un blockbuster de super héros (d'ailleurs sans super héros), ce qui m'a le plus surpris est l’aspect psychologique et social mis en avant pour enrichir le personnage du Joker.
Dés le début on sent le malaise de cet homme, sa souffrance physique et morale, matérialisée par ce rire sans joie incontrôlable. Arthur est un déclassé social, qui galère comme clown (symbole du pouilleux, cet ange déchu du monde du cirque) mais pas le clown qui fait rire et que les enfants adorent, le clown de bas étage, qui fait de la publicité dans la rue en affichant une pancarte pour un grand magasin et qui n’est pas très apprécié par ses collègues qui le trouvent un peu trop bizarre.
Arthur est à la fois psychotique et sociopathe, mais contrairement au Joker exubérant de Batman interprété par Jack Nicholson et participant au folklore gothique de Tim Burton, Joaquin Phoenix est ici très humain, vulnérable, ancré dans sa réalité sordide, un loser en perdition qui en prend plein la gueule et qui encaisse comme il peut.
Ce fou rire effrayant qui le prend quand il est mal à l’aise est inquiétant à plus d’un titre, parce qu’il est le fait d’un homme au bord du gouffre qui, on le sent, pourrait basculer vers la folie et la violence incontrôlée.
Et plus généralement, dans ce Gotham City plus réaliste que d’habitude, on peut entrevoir un pays, les Etats Unis actuels, au bord de la rupture et prêt à se révolter contre les élites, les gouvernants, les riches. Tous ces laissés pour compte, ces victimes du système pourraient bien, comme le Joker en qui ils se reconnaissent, péter un câble et mettre l’Amérique à feu et à sang.
Et c’est bien ce qui a inquiété certaines critiques, offusqués qu’un blockbuster puisse entrer en empathie avec un psycho-killer, expliquer les circonstances de son passage à l'acte et inciter des esprits perturbés au meurtre ou des masses en souffrance à la révolte violente.
Rendez-nous nos méchants univoques d’antan semblent nous dire tous ces lanceurs d’alerte moralisateurs ! Des losers pathétiques et magnifiques soit, mais dans les films d’auteurs indépendants, pas dans les Comics !
Sinon, où allons nous ? Dans le mur ? Oui, peut être bien, mais ce n’est pas la peine de le crier sur les toits, ça risquerait de réveiller les simplets, qui comme chacun sait sont des méchants en puissance.
Cette polémique me semble assez ridicule, d’autant que le film n’est pas si subversif que ça, ni si politique, en tout cas pas au point de le censurer parce qu'il serait trop dangereux pour être vu. C’est juste un Comics plus adulte que d’habitude, angoissant au début, spectaculaire ensuite (avec quelques scènes d’anthologie), assez violent mais pas trop trop, porté par un Joaquin Phoenix impressionnant et un personnage du Joker qui gagne en profondeur.
Une belle surprise et de mon point de vue, un des films les plus réussis de l’année.
8,5