Être ou ne pas être un film super-héroïque..

Qu'est ce qu'un "comic book movie" ?
Il y a t'il réellement un genre "super-héroïque" ?
Les adaptations de comics doivent elle forcément être fantaisistes et remplies d'explosions pour être considérées comme tel ? (coucou Perceval et Karadoc).
Joker est il réellement un film DC ?


(attention cette critique est susceptible d'être plus proche d'une extrapolation sur le personnage du Joker au cinéma plutôt qu'une critique pure et simple du film x))


Tant de questions que l'on est susceptible de se poser à la vu du film.
Réalisé par Todd Phillips-à qui l'on doit les comédies quelque peu potaches que sont les Very Bad Trip, Date Limite ou encore l'adaptation de Starky & Hutch- Joker sert à la fois de "cassure" pour la filmographie du metteur en scène, et de "retour aux sources" pour la branche DC/Warner qui après pas mal de dérapages à trop vouloir faire de l'ombre à la machine (trop ?) bien huilée qu'est Marvel Studios , revient à ce qu'ils savent faire de mieux: des films plus sérieux, plus sombre, plus mature et plus artistique que ce que peut faire la concurrence tout en faisant fi d'un quelconque univers partagé.
Pas d'humour beauf (Aquaman). Pas de ton enfantin (Shazam !). Pas de personnages ajoutés à la truelle (Batman V Superman). Pas de charcutage au montage (Suicide Squad).


Plus encore que le Watchmen de Zack Snyder, le V pour Vendetta de James Mcteigue ou la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan, Joker prend le contre pied total de ce que le public a (trop) pris pour habitude pour les adaptations de comic books. Ici, point d'explosions dans tout les sens, point de blagues venant dédramatiser tout scène, point de teasing sur une suite donnant l'impression d'avoir vu une bande annonce de deux heures. "Juste" une belle photographie, une bonne mise en scène un bon acteur et voilà.


Et quel acteur ! Joaquin Phoenix porte tout le film sur ses épaules. Le comédien est complètement habité par son personnage.
Intense, dérangeant, troublant, effrayant.. Tel pourraient être les qualificatifs à lui donner.
Qualificatifs que l'on pourrait également octroyer à la photographie ou à la bande originale de Hildur Gudnadottir, qui signe une partition parfaite pour accompagner le film et accentuer tout le côté dérangeant et malsain du personnage.


Bien que Todd Phillips ai précisé que son film ne reprendrait pas le Joker des comics, il semble indéniable (voir évident) que le réalisateur ai été influencé par les différentes itérations du personnage ainsi que de plusieurs comic book d'un certain Alan Moore mais on n'y reviendra..
En effet, bien que le film soit une totale réinterprétation du personnage (ainsi que de l'univers de Batman), Joker suinte pourtant l'aura du personnage.
A l'image du clown prince du crime version papier, le film est souvent dérangeant, nous met mal à l'aise. Plus encore, il nous amène à nous poser des questions sur nous, sur notre société. Comment ne pas penser aux nombreuses manifestions de ces dernières années (en France comme ailleurs) avec les luttes de classe en voyant les "petites gens" de Gotham se révoltaient contre la "classe supérieur" ? Comment ne pas penser à notre société actuelle quand lorsqu'elle n'as plus d'autre choix pour se faire entendre, la population se range derrière un individu pas vraiment recommandable ?


Jack Nicholson reprenait la version "clownesque" du personnage tel qu'il apparaissait dans les comics des années 40 à 60. Tim Burton avait cependant crée des origines aux personnages, en la personne de Jack Napier un mafioso qui à la manière de The Killing Joke, tombait dans une cuve d'acide à cause de Batman, ce dernier créant malgré lui, son pire ennemi (origines qui seront par ailleurs reprises par Paul Dini et Bruce Timm pour leur série animée). Afin de rapprocher d'avantage les deux personnages, Burton avait choisi de faire de Napier le tueur des parents de Bruce Wayne.
Heath Ledger était à la fois un reflet de la peur du terrorisme post 11 septembre, mais représentait également le "pur Joker" ou "l'alpha Joker": celui qui n'est que chaos, qui a toujours un coup d'avance, sans identité, sans but si ce n'est mettre la ville à feu et à sang avec le sourire pour montrer que le système ne fonctionne pas (à la manière de The Killing Joke...et oui encore et toujours) et qui n'existe que par la présence de Batman.
Quant à Jared Leto et bien... évitons d'en parler :o)
La version de Joaquin Phoenix, est une version différente, à la fois remaniée (que cela soit pour ses motivations ou les origines de son rire et de sa folie) mais également plus "humaine".

A la manière de The Killing Joke (encore lui bis), on découvre à la base du psychopathe un homme assez pathétique, fragile, rêvant de devenir un grand comique, d'être admiré et qui va perdre le peu qu'il a en un claquement de doigts. La différence étant sans doute que le personnage d'Arthur est déjà dérangé avant sa transformation en Joker.
Et de la même manière que l'oeuvre d'Alan Moore, on peut légitimement douter de ce que l'on voit, est ce réel ou non ? A la manière d'American Psycho, la majeure partie du film peut très bien être un rêve halluciné du personnage tant le film joue sur l’ambiguïté


notamment sur la scène avec le personnage de Zazie Beetz et sa fille.. Les a t'elles tuées ? Et après s'être rendu compte qu'Arthur avait imaginé toute sa romance avec elle, ne pourrait t'il pas également imaginer tous les meurtres qu'il a commis ?


Ce ne serait guère étonnant après tout, on est habitué à ce que le Joker embrouille le monde sur ses origines.. (En plus de The Killing Joke, la version d'Heath Ledger nous inventait également une histoire à chaque reprise).


Le Joker peut t'il exister sans Batman ? Si l'on sait que l'inverse est possible tant les aventures et adaptations du chevalier noir sans le Joker sont nombreuses, nous n'avions jamais eu le cas inverse à l'écran. Bien que tout le film se focalise sur la vie d'Arthur Fleck sans le lâcher, on ne peut que constater que son histoire est toujours autant rattacher à la famille Wayne.


Le film nous montrant même comment le Joker est responsable malgré lui (contrairement à la version de Tim Burton en 1989) de la mort des parents du petit Bruce..


Il semblerait donc que le Joker ne puisse pas réellement exister sans l'ombre d'une chauve souris même au sein d'un film qui porte son nom..
Les deux personnages étant les deux faces d'une même pièce il n'est guère étonnant donc à ce que le parcours d'Arthur Fleck soit quelque inversé à celui de Bruce Wayne.
L'un vient d'une riche famille quand l'autre vit dans la misère ou presque.
L'un va avoir une enfance joyeuse entouré de parents aimants quand l'autre va grandir sous les coups de la violence


et d'une mère qui n'est pas la sienne


L'un va choisir de devenir un symbole d'espoir contre le crime et la corruption dans la ville quand l'autre va devenir malgré lui le symbole d'une révolution violente et sanglante au sein de la ville..
L'un refusera d'utiliser des armes à feu, symbole de son traumatisme, quand l'autre choisira de s'en servir, symbole de son ras-le-bol et de sa vengeance personnel.


S'il n'est pas "LE" Joker des comics, le Joker de Joaquin Phoenix reste cependant une version tout à fait légitime du personnage tant les références s'entrecoupent.
L'aspect quelque peu poisseux, la coupe de cheveux ou le fait que le teint blafard soit du maquillage rappelle le Joker incarné par Heath Ledger dans The Dark Knight.
Le maquillage rappelle la version de Marini dans The Dark Prince Charming et la teinte de violet de son costume peut faire penser à celle de César Romero, le Joker de la série TV des 60's.
Les éléments d'un comique raté qui perd tout ce qu'il a font évidemment écho à l'oeuvre d'Alan Moore, Killing Joke (Arthur Fleck allant même jusqu'à dire qu'il a passé une mauvaise journée renforçant encore plus le clin d'oeil).
Au delà même de cette dernière, on retrouve dans le film des éléments venant d'autres œuvres d'Alan Moore.
Les nombreux face à face entre Arthur Fleck et sa psychiatre rappellent ceux de Rorschach face au sien dans Watchmen.
La population qui se révolte en portant des masques à l'effigie d'un homme que la société a oublié/utilisé rappelle V pour Vendetta.


Et le fait que le Joker se présente sur un plateau de télévision avant de tuer quelqu'un devant le public et les téléspectateurs rappelle le Joker du Dark Knight de Frank Miller


Il semblerait donc que malgré les apparences, Joker soit bel et bien un "comic book movie".. même un grand comic book movie.
La preuve ultime que l'on peut tordre complètement un personnage, le réinventé même après presque 80 ans d'existence, sans en perdre pour autant la sève.
La preuve ultime également pour les producteurs qu'un film artistique, loin d'avoir un budget faramineux, peut rencontrer le succès et rapporter de l'argent..
Espérons maintenant qu'ils continueront dans cette voie car beaucoup semblent oublier qu'une formule "film mature/ stand alone / artistique" n'est pas antinomique avec des "films grand public / univers partagé / blockbuster"..

JulienPetit
9
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Créée

le 28 oct. 2019

Critique lue 221 fois

Bat Juju

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