"Araignée ! Araignée qui luit au milieu de la pandémie. Dans quel piège de fan-service t'as t'il fait tomber Sony ?"
Deux ans après la fin cliffhanger de "Spider-Man: Far From Home" (et surtout trois ans après l'incroyable "Into the Spider-verse"), Marvel Studios et Sony Pictures sortent "Spider-Man: No way home", film d'ores et déjà considéré par beaucoup de spectateurs comme "une claque" voir même "le meilleur film Spider-Man ever" (tandis que ceux étant d'un avis contraire semblent perçus comme des "élitistes nihilistes" Aah l'ère des réseaux sociaux et son manichéisme..j'adore)
La raison ? "No way home" enfonce la porte du multivers en important directement des personnages issus de précédentes versions du personnage. Fantasme total et absolu de beaucoup de fans, cette (ou plutôt ces) rencontre(s) au sommet justifient pour beaucoup le ticket d'entrée de cinéma et le titre de "meilleur film Spider-Man". Oui mais.. est ce bien le cas ? Se pourrait t'il que sous cette (très) épaisse couche de fan-service nostalgique, se cache en réalité une enveloppe vide et surtout un puissant aveu d'échec envers cette version MCU ?
L'un des premiers soucis de "No Way Home", c'est son intrigue "initiale" (celle que nous laisser supposer la fin du précédent film) qui est ici expédiée en une quinzaine de minutes.
Alors que la perspective d'un Spider-Man démasqué et traqué par les fédéraux, ses détracteurs voir des super-vilains (certaines rumeurs laissent présager que le film devait au départ mettre en scène Kraven le chasseur avec cette intrigue) pouvaient donner une base solide, le film n'en fait rien ou presque. Tout juste as t'on le droit à quelques scènes d'interrogatoires à ressort comique et l'introduction de Charlie Cox en Matt Murdock, caméo qui réjouit autant qu'il est vite expédié. (Ne crachons pas dans la soupe, au moins, on sait qu'on aura un bon Daredevil dans le MCU..)
Et au final, ce caméo à lui seul cristallise le problème majeur du film: on cache les problèmes sous le tapis via des clins d'oeil aux fans en les caressant dans le sens du poil.
Mais au delà de tout fan-service, le film possède de nombreux problèmes.
D'écriture tout d'abord. Si l'on peut (difficilement quand même) admettre qu'un personnage comme Dr Strange, accepte sans vergogne de se plier aux exigences d'un jeune ado aux risques de chambouler le continuum espace-temps ou autre, certaines incohérences subsistent.
Le film nous fait comprendre que les vilains issus d'autres univers, ont été amenés dans le "MCUverse" parce qu'ils connaissent l'identité de Peter Parker. Dans ce cas, pourquoi Electro et Venom se retrouvent là ?
A moins qu'Electro ait été mis au courant dans une scène hors champ de "The Amazing Spider-Man 2" (ce qui serait tout de même une excuse bancale) il ne sait pas qui est Peter Parker.
Venom lui, a encore moins de raison d'être ici, puisqu'il ne sait même pas qui est Spider-Man en tant que personnage.
Toujours au rayon des faiblesses d'écritures, on ne peut que déplorer la pauvreté avec laquelle certains vilains sont traités.
Alfred Molina a dit en interview sur le ton de la rigolade, avoir accepté de revenir pour l'argent...on ne peut que se demander si au final ça n'est pas la réelle raison tant son Dr Octopus n'est ici que pour être le vieux grincheux dont on se moque du nom. Allez, un peu d'optimisme, on peut au moins saluer le fait que le film ne se torche pas avec sa rédemption de Spider-Man 2 et propose une des rares belles scènes du film avec le retour de son contrôle sur ses bras.
En revanche, Sony ne semble toujours pas savoir quoi faire avec Electro. Déjà abominablement ridicule dans son traitement tout droit sorti des années 90 de "The Amazing Spider-Man 2", le personnage est dans "No Way Home" une espèce de girouette changeant de camp quatre fois durant le film pour on ne sait quelle raison. Au moins, ils ont laissé tomber son design "Ultimate" pour se rapprocher de celui du jeu PS4...
Même topo du côté du lézard et de l'homme-sable (personnage pourtant magnifique du troisième opus de Sam Raimi, et ce malgré des motivations clichesques). Les deux semblent ici uniquement pour le clin d'oeil et font surtout preuve d'une tristesse infinie lorsqu'on se rend vite compte que Sony et Marvel n'ont pas pu avoir les acteurs originaux (respectivement Rhys Ifans et Thomas Hayden-Church) puisque les personnages n'apparaissent jamais sous leur forme humaine durant le film.. à la place, le métrage nous sort du chapeau des plans trafiqués issu de "Spider-Man 3" et "The Amazing Spider-Man" pour faire croire aux spectateurs que Curt Connors et Flint Marko sont bel et bien présents sous forme humaine. N'aurait t'il pas été plus facile (et surtout moins ridicule) de caster des acteurs leur ressemblant ? Surtout à une époque on l'on est capable de rajeunir numériquement des comédiens voir même en faire revenir d'entre les morts...
Puisque l'on parle de numérique, parlons des effets spéciaux.
Comme de coutume chez Marvel Studios, ces derniers alternent entre le passable et le vraiment pas beau (même si ce ne sont pas les pires fonds verts du MCU.. "Black Panther" c'est toi que je regarde).
Pire, la comparaison avec les anciens films du tisseur font mal.. très mal à "No way home"..
Le plus flagrant étant sans doute l'homme-sable et le lézard. Ce dernier n'a certes jamais été "beau" en terme de design, mais il avait au moins le mérite d'être techniquement réussi en 2012...ce qui n'est pas réellement le cas 9 ans plus tard..
Idem pour l'homme-sable, véritable prouesse visuelle en 2007-soit 14 ans en arrière !!- (qui avait englouti à lui seul un bon tiers du budget de "Spider-Man 3") qui est dans "No way home" plus proche d'un tas de boue que de l'homme-sable que l'on connaît.
Concernant le Dr Octopus, si je trouve dommage la non utilisation de réels bras animatronique comme en 2004, le full numérique pour "No way home" ne m'as pas choqué ou dérangé pour être honnête. Quant au Bouffon Vert, je soupçonne fortement un costume entièrement numérique lorsqu'il apparaît avec son apparence classique tant ses plans sont moche.. Heureusement son redesign sauce MCU est réussi, plutôt cohérent et finalement plus proche de son apparence originelle des comic books.
Comme pour les précédents films, Jon Watts nous montre qu'il est avant tout un "yesman" qui ne sait pas iconiser ses personnages (on a trois Spider-Men, c'est censé être épique et historique et aucun plan n'arrive à leur rendre justice) et ne sait toujours pas comment filmer son héros. Là encore, au jeu de la comparaison avec ses prédécesseurs, "No way home" subit un profond désavantage... Même Marc Webb, pourtant moins à l'aise avec ça que Sam Raimi-chez qui les envolées de Spider-Man étaient à la fois épiques, élégantes et grisantes- avait su ici et là, nous sortir de belles scènes de voltige (la scène des grues, le combat contre Electro...) Avec Watts c'est plat, moche visuellement et surtout très brouillon.
De manière générale et hormis une petite poignée de plans, la réalisation est très moyenne. La seule scène visuellement intéressante, est le "combat" entre Spider-Man et Dr Strange qui lorgne du côté d'"Inception". (Entre cette scène et les séquences illusoires de "Far From Home", il semblerait que Jon Watts ne soit bons qu'avec les scènes psychédéliques...)
Quant aux scènes de combats, c'est la plupart du temps illisibles soit à cause d'un problème de lumière, de réalisation ou des deux. Si le premier affrontement de Tom Holland contre Willem Dafoe faisant valser Spider-Man à travers les murs est plutôt sympathique (grâce à des mouvements et prises sacrément efficaces) le reste..
L'affrontement censé être iconique des trois Spider-Men face aux "Sinister Five" est totalement brouillon et encore une fois illisible. En comparaison de celui de "Spider-Man 3", qui lui aussi se déroulait sur un immeuble en chantier avec plusieurs personnages dont un homme-sable géant, celui de "No way home" fait peine à voir... et nous sommes 14 ans plus tard..
Quant au combat final contre le Bouffon Vert, il est totalement gâché par des shaky-cam et des coupes qui empêche totalement de profiter du spectacle.
Comme c'est déjà bien long, je vais rapidement énumérer d'autres soucis en pèle mêle:
-ils ont beau être ensemble dans la vrai vie et avoir un minimum d'alchimie, j'ai énormément de mal à croire en un véritable amour entre Peter et "MJ". La pauvreté des dialogues du film ne doit certainement pas aider dans cette direction.
-La mort de Tante May ne procure absolument aucune émotion. Le problème venant très certainement du personnage, qui n'a jamais dépassé le stade du "la tante plus jeune un peu hippie que tout le monde veut bai***".
-ça n'est pas un défaut en soi mais s'il vous plaît messieurs du marketing, on sait que vous voulez vendre des jouets, je sais que Spider-Man a eu beaucoup de costumes au fil des ans dans les comics, mais si on pouvait arrêter de mettre trois à quatre costumes différents par film pour Tom Holland.. C'est Spider-Man, pas Barbie.
-Ned Leeds qui apprends à manier les portails comme ça, l'air de rien tandis que Strange a eu du mal à apprendre dans un film complet.. c'est tout de même une énorme paresse d'écriture pour faire apparaître les anciens Spidey.
Il y a t'il parmi tout ce foutoir quelque chose à laquelle se raccrocher ?
Et bien oui, et paradoxalement, la meilleure chose du film est aussi la pire: le fan-service.
On ne va pas se mentir, on a tous ressenti quelque chose en revoyant débarquer Andrew Garfield et Tobey Maguire (personnellement j'ai pleuré de joie pour ce dernier, tant il a été mon héros durant une bonne partie de mon enfance et adolescence).
Si Maguire paraît moins investi que dans ses propres films (ou que Garfield), il reste assez fidèle au Peter qu'il était. Et Andrew Garfield, qui-je le trouvais- avait tendance à en faire trop dans ses films, ne m'as jamais paru aussi crédible et bon en Peter Parker, en plus d'avoir une assez jolie scène en clin d'oeil à la mort de sa Gwen Stacy.
De façon assez surprenante, il émane une réelle alchimie et complicité entre les deux anciennes versions de Spider-Man qui constitue un réel plus au film. Les scènes ou nous avons les deux, ou trois Peter font forcément du bien, et on aimerait rester avec eux pendant des heures... malheureusement, la pauvreté de certains dialogues ("You are AMAZING" ta kompri wesh parseke cété lé film "ze amazing speederman") rappelle que toute cette bulle nostalgique se retrouve en plein milieu d'un film finalement vide.
Notons tout de même les petits trolls que Sony se font à eux même et à Marvel Studios quand les anciennes versions rappellent que le costume et le masque sont censé être fait pour garder l'anonymat (et ce même si Garfield lui même n'était pas forcément très anonyme mais bon je chipote peut être un peu trop).
Alors oui ne boudons pas notre plaisir, revoir tous ces visages connus fait chaud au coeur.... mais n'est ce pas un puissant aveu d'échec ?
Le film ne fait que ressasser le passé en tapant le spectateur dans les côtes en lui disant avec un clin d'oeil "T'as vu ? Tu te souviens comment c'était bien les films Spider-Man avant ?" le tout sans jamais surpasser ou ne serait ce qu'égaler les films en question (et pourtant Dieu seul sait que je ne suis pas fan des opus de Marc Webb...)
Il est également bien triste de voir qu'il aura fallu TROIS films (plus les apparitions dans d'autres),la mort de deux (trois si Oncle Ben existe bien dans le MCU) figure parentales et les conseils de versions alternatives, pour que le Spider-Man de Tom Holland évolue (enfin !) et ne devienne réellement Spider-Man et comprenne ce que sont les "pouvoirs et responsabilités".
Le film tient encore plus de l'aveu d'échec, lorsque l'on constate sa fin, quasiment en mode "soft-reboot": Dr Strange ayant effacé la mémoire de tout le monde, Peter ayant compris qu'un "grand pouvoir etc", et s'envolant avec un nouveau costume fait maison (et donc plus ou en tout cas moins de technologie Stark ?) on repart sur une ardoise pour ainsi dire vierge. Comme si au final, les deux précédents films n'avaient servi..bah à pas grand chose.
Et pour faire un simple constat: "No Way Home", aurait t'il été autant attendu, si au lieu de ramener toutes ces anciennes versions, il en avait crée de nouvelles ? Le film serait il vu par beaucoup comme "un bon film" ou "le meilleur Spider-Man" ? Je n'en suis pas certain.
La proposition des multivers était pourtant alléchante. Celle de ramener les anciennes versions, encore plus. Et au fond, oui ça fonctionne...durant environ 7 minutes sur un film qui lorgne vers les 2h20. C'est long, bien trop long pour un métrage qui se contente de rappeler qu'avant, il n'y a pas si longtemps, on avait de bons, même très bons films Spider-Man..
PS: Big up et grand merci à la maison de doublage en charge du film qui (en dehors de l'homme-sable) a ramener toutes les voix françaises d'époque-dont Damien Witecka en Tobey Maguire- ça n'aurait vraiment pas été pareil sans x)