Qu'on ait apprécié ou non, il faut saluer l'audace de Todd Phillips qui, en faisant le pari de représenter le Joker sous des airs plus sympathiques, a bouleversé la configuration manichéenne de l'univers de Batman. A partir d'un portrait psychologique d'Arthur Fleck, c'est toute une société qui est analysée et ce, à travers le prisme d'une évidente confrontation à venir. Ici, le camp du bien auquel Nolan et ses prédécesseurs nous ont habitué est accablé des plus grands maux qui rongent Gotham. Accablé par sa richesse. Accablé par son bonheur. En somme, accablé par son indifférence à une misère qui l'épargne. La démarche du réalisateur d'opposer de façon binaire les vilains rupins aux humbles miséreux peut certes paraître simpliste, mais elle dénote d'une envie de faire réfléchir au-delà des cadres préconçus par les comics. Pas d'ode à la révolution, juste une œuvre subversive par son parti pris et son réalisme. Partout, les qualités d'esthète de Philips sont à l'oeuvre, dans de longs plans séquence vibrant d'angoisse comme dans des scènes où Joaquin Phoenix maîtrise avec brio l'art de la danse ou du rire incontrôlé.