Je ne fais pas parti de ces spectateurs qui ont pu avoir le privilège d'assister à une séance de cinéma pour le Joker. Peut-on débattre du prix des places de cinéma et de l'avenir de ce milieu dans une ère où films - séries sont devenus très accessible de chez soi ? Bref.
Le Joker donc.
Le premier élément qui a su me séduire est la qualité de la photographie. Les plans ont une couleur tout à fait singulière allant des gris, aux bruns et aux verts d'eau. Des tons assez délavés et sombres, peut-être faisant allusions aux traits de personnalité du Joker ? Personnage dont on nous explique la genèse. Qu'elle soit fidèle ou non à l'univers de la bande dessinée, le réalisateur propose une vision empathique et à mon sens critique de ce qui a fait du Joker un être vile.
Au début du film, notre personnage a une identité : un nom, une famille, un domicile, un travail. Il est donc possible de s'identifier à ses difficultés et de les comprendre par un procédé empathique. Sa personnalité se révèle. Par son courage, pour tenir à bout de doigt un rêve difficile à atteindre par des procédés peu flatteurs. (vous excuserez mon côté évasif pour éviter de cliquer sur la case spoiler) Par sa responsabilité, à laquelle il reste fidèle pour prendre soin de ce qui semble être son unique lien affectif. Par sa sincérité, lors de rencontre ou d'échange avec des personnages très secondaires mais pourtant si révélateurs lorsque l'on est atteint de pathologie mentale.
Et c'est sur ce point que le film a retenu toute mon attention. Le Joker n'est pas qu'un énième film dédié à l'univers des héros dont les salles de cinéma croulent depuis plusieurs années. Ici, on évoque une réalité qui peut être toute aussi transposée à notre époque.
Comment s'occupe t-on de nos malades atteints de pathologies mentales ? Est-ce que les services sociaux et médicaux sont-ils suffisants pour répondre, comme le dit le Joker, a une société qui est malade ? Parvient-on vraiment à soigner, à identifier une pathologie mentale et à attribuer les soins nécessaires au malade ? J'en doute, et le film en doute aussi.
À mon sens, le personnage du Joker incarne les failles d'un système qui se termine par le rejet et l'exclusion. La psychose devient un refuge et une nouvelle identité, à laquelle le malade croit appartenir. Alors, comme peut le montrer l'affiche et sans doute la scène phare du film utilisée dans les bandes annonces, le malade s'abandonne dans ce que les uns interprètent comme de la folie, et de ce que les autres, qui ont pu vivre ce moment, revoient comme une véritable liberté.
La liberté d'accéder à un soi rejeté, à la fois par les autres mais aussi par soi même. À la liberté de libérer le potentiel de ce qui devait être contenu car méprisé ou jugé cliniquement comme instable ou dangereux.
Cette jouissance est très bien incarnée par les talents de l'acteur Joachim Phoenix et c'est suite à tous les points cités précédemment que je recommande chaleureusement ce film.