Ancrée dans la douleur et les mirages de la solitude éclate la discordance du rire. Gotham s’embrase et Phoenix valse dans la nef des fous. L’interprétation de Joaquin Phoenix est géniale (pathétique dans l’humiliation, être en souffrance qui devient symbole d’une société qui déraille. ) Curieusement, il suscite l’empathie (pas pour ses actes mais pour ce qu’il est avec sa noirceur et les traits trop appuyés de sa psychose ; il devient malgré lui l’étincelle allumant le feu d’un chaos urbain. Joker s’inscrit pleinement dans notre époque, société du spectacle et satire de l’Amérique de Trump . Il n’a rien de commun avec les autres Joker , Jack Nicholson ou Heath Ledger.La seule chose qui m’a gênée est de tout expliquer par sa « folie » et on ne peut réduire le destin d’un être à son parcours aussi traumatique soit il. Encore utilisé de manière triviale et/ou péjorative, le concept de « folie » , le mot Fou n’ont ici pour moi rien de péjoratif, cela fait référence à cette mascarade, parade festive , qui devient criminelle, par un enchainement d’événements traumatisants. A travers les époques et les contextes socioculturels, les représentations de la « folie » sont nombreuses, riches, variées et hétéroclites. La nef des fous dans laquelle on faisait dériver, à la Renaissance, ces hommes en quête de leur raison… illuminés et autres délirants, avec leur excitation pittoresque mais peu sociable. Avant d’être internés, les fous circulaient dans les villages et les villes du Moyen Age, comme une présence familière ; puis, avant d’être « isolés » comme objets de la psychiatrie…