Un Joker captivant, mais déconnecté de ses racines

Joker est un film indéniablement bien réalisé et visuellement impressionnant, mais il présente plusieurs points de friction. Tout d'abord, même si le film se veut innovant, il est très éloigné de l'univers de Batman. Le Joker semble être utilisé principalement comme un argument marketing pour attirer les spectateurs, alors qu’en réalité, l'histoire pourrait fonctionner avec un personnage lambda. Sans l'étiquette "Joker", le film aurait clairement eu moins d'impact et d'engouement.

Ensuite, la morale du film est problématique. Il semble justifier, voire glorifier, une forme de chaos social, mettant en avant l’idée de semer le trouble, voire de tuer, pour faire tomber les plus riches. Ce message est ambigu et potentiellement dangereux, surtout dans le contexte actuel où les tensions sociales sont élevées. La représentation caricaturale des riches et des pauvres simplifie excessivement cette question sociale, manquant de nuance et de profondeur.

Il est également dommage que le film n'ait pas exploré l'idée d'un homme lambda, normal et non malade, qui tombe dans la folie. En choisissant directement un personnage instable, le film perd une partie de son impact. Cette approche est notamment traitée dans le comics Killing Joke, où la morale est que n'importe quel homme sain d'esprit peut sombrer dans la folie après une mauvaise journée. Une exploration similaire aurait apporté une dimension plus puissante, comme dans The Dark Knight avec Harvey Dent.

Je constate aussi que ces dernières années, le Joker a été transformé en une figure sociale, ce qui me fatigue un peu. Dans The Dark Knight, cette dimension était bien amenée, mais aujourd'hui, on en fait une caricature. Ce personnage est censé être l'un des méchants les plus terrifiants et imprévisibles de la pop culture, et il est devenu trop doux, presque pathétique. On retrouve cette tendance avec L'Homme Mystère dans The Batman. Le Joker dans les comics est cauchemardesque et parfois cartoon, et j'attends toujours de voir cette version horrifique au cinéma.

En ce qui concerne Joker, le film semble manquer d'originalité malgré sa réputation. Il s’inspire fortement de classiques comme Taxi Driver et King of Comedy. En retirant l'emballage "Joker", on se retrouve avec une histoire déjà vue, ce qui diminue l'impact du film en tant qu'œuvre unique.

Enfin, le film souffre d'un rythme assez lent qui peut alourdir l'ensemble. Le climax se fait attendre et n'atteint pas le niveau d'intensité qu’on pourrait espérer pour un personnage aussi chaotique que le Joker.

Quant à la prestation de Joaquin Phoenix, bien qu’impressionnante, me semble surcotée. La transformation physique du personnage impressionne, mais j’aurais souhaité une interprétation plus complexe.