Le dessinateur français Aurel aura déjà fait un pas dans le monde du cinéma avec le court métrage Octobre noir qu'il coréalise avec Florence Corre en 2011. Mais aujourd'hui, il met carrément les deux pieds dans le plat avec son premier film Josep, en affirmant son style très précis, quelque peu macabre et, surtout, incroyablement bouleversant. « Josep », c'est Josep Bartoli, homme politique espagnol et peintre, ayant connu la guerre d'Espagne en 1939, le camp de concentration, la vie d'artiste, et le refuge qu'offre les bras de la grande Frida Khalo, dont il était l'amant.


Aurel décide de raconter l'histoire de ce grand homme du point de vu d'un grand père mourant, ancien gendarme français travaillant sur les camps de concentration qui enfermaient les antifranquistes espagnols en 1939. A travers son récit, qu'il narre à son petit fils Valentin, nous découvrons l'horreur, l'humiliation, la fourberie des ses collègues gendarmes à l'égard des espagnols, et surtout Josep Bartoli, artiste dans l’âme et prisonnier qui ne cesse de dessiner tout ce qu'il voit, comme pour ancré profondément dans sa tête la férocité de son quotidien, pour ne jamais l'oublier, pour y faire face férocement. D'ailleurs, c'est très ingénieux d'avoir pris comme narrateur un personnage fictif tel que le gendarme français, perdu dans l'univers de la guerre. En tant que spectateur, nous nous identifions à lui facilement, car nous sommes tout aussi déboussolé face aux événements racontés et aux images terribles qui habitent l'écran.


Le film d'Aurel, d'ailleurs sélectionné au Festival de Cannes en cette année (assez sombre) 2020, nous raconte un pan de l'histoire de France trop méconnu de sa population, très peu étudié dans les manuels scolaires. Le fait de relater cette période grâce à l'animation est une idée très brillante : le dessin animé est bien évidemment intimement lié à l'enfance, et de ce fait, le réalisateur nous place dans la peau d'élèves, apprenant un nouveau cours en compagnie de leur professeur sur les bancs de l'école. L'union du dessin animé, style adoré par les enfants, et l'histoire du film Josep nous offre un résultat terriblement malsain mais qui à un impact très fort sur son public. Les dessins s’enchaînent parfaitement dans une grande fluidité harmonieuse, quelques passages du film ne sont que de simples esquisses à la suite des unes des autres, saccadés, pour montrer des extraits violents et choquants de l’histoire, avec pudeur presque.


Nous sommes face à un film qui nous laisse sans voix par sa beauté malsaine, son parti pris risqué, sa mélancolie et son espoir joliment inspirant. Josep s'assume pleinement dans le monde de l'animation et sur le marché du cinéma français, tant il est imprégnant et bouleversant, et cela rend encore plus regrettable l'annulation du Festival de Cannes cette année. Josep Bartoli est trop peu connu, mais il peut devenir une icônne pour petits et grands, il aura réussi à passer de l'ombre à la lumière tout en étant toujours optimiste pour une vie plus coloré. C'était un pari risqué, mais le résultat est diablement beau et nous laisse l'envie d'en apprendre davantage sur chacune des facettes du film.

CC42
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le 2 nov. 2020

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