En ces temps troublés pour l’industrie cinématographique, le public français a l’occasion de découvrir des petites productions comme celle-ci, profitant de l’absence des gros blockbusters sans cesse repoussés. En bénéficiant d’un nombre de copies plus conséquent, cela leur permet d’avoir une meilleure visibilité appréciable pour le cinéphile que je suis.
Après l’excellent Le silence des autres, Sophie Dulac Distribution donne l’opportunité à Aurel de montrer le sort des espagnols, ayant fui le franquisme en 1939, sur le sol français, tout en rendant hommage aux dessins de Josep. Le choix de l’animation est intelligent. Il permet de donner vie à l’œuvre de Bartoli en lui conférant une dimension et une puissance supplémentaire sur la réalité des conditions de vie d’espagnols dans un camp de concentration.
J’ai découvert un épisode peu glorieux de la France envers son voisin ibérique en étant ouvertement arrogante, individualiste, violente et raciste envers lui…Pour contrebalancer ces points négatifs véhiculés par certaines personnages abjects, le réalisateur réhabilite, au passage, le rôle des tirailleurs « sénégalais » (expression regroupant tous les tirailleurs issus des colonies françaises d'Afrique quelle que soit leur nationalité) dans l’armée française souvent occulté ou minimiser encore aujourd’hui. Aurel nous propose de suivre, à travers les souvenirs d’un vieil homme, son rôle en tant que jeune gendarme confronté aux tortures et aux humiliations subies par les réfugiés espagnols à cette époque là. Ce dernier va les aider dans la mesure du possible, tout en développant une relation unique avec le dessinateur républicain présent sur l’affiche. Difficile à ce moment là de ne pas avoir de l’empathie pour un tel personnage et d’amoindrir notre sentiment de culpabilité, en tant que spectateur.
Attention ! Cette œuvre n’est pas qu’une charge envers la France. En effet, on voit également le combat d’un homme survivant grâce à ses esquisses et poursuivant ses rêves pour dépasser sa condition de réfugié politique exilé. Je ne peux passer sous silence le thème fondamental constituant le fil rouge de cette œuvre : celui de la transmission d’une expérience, de la connaissance à travers l’art (le dessin, le street art) et la parole pour prendre conscience de nos failles, erreurs et, surtout, de ne pas développer de manière personnelle ou collective un négationnisme pernicieux gangrénant notre société actuelle.
Bien que sa durée soit de 74 minutes, le film est dense, sans complaisance grâce aux différentes techniques d’animations utilisées. Il donne au spectateur une connaissance concrète et réaliste d’un épisode sombre de la France que beaucoup veulent oublier pour garder bonne conscience. Il faut se confronter à la réalité et assumer nos responsabilités. Si on veut avancer, on y est bien obligé. Qu’en pensez-vous ?