Clint Eastwood fait ici sa deuxième incursion comme réalisateur dans l'univers du western. Dans "L'homme des hautes plaines", il avait tenté de faire un western spaghetti, mais il lui avait manqué le sang latin pour atteindre le souffle épique et le sens de la dérision de son maître Sergio Léone. Ici, il cherche son style personnel entre John Ford, Arthur Penn, Sergio Léone...
Le scénario de Sonia Chernus et Philip Kaufman est ambitieux. Derrière les grandes chevauchées, on s'intéresse à la nature humaine, aux sectarismes et au rapport de l'individu face aux pouvoirs. Il faut lutter pour la liberté et la justice. Rien n'est acquis. Les dialogues sont remarquables, tout particulièrement les réflexions pleines d'humour désepéré de "Lone Watie".
Dans ce film, Eastwood révèle l'ensemble de sa philosophie de la vie (il recommencera dans bien d'autres films, comme "Un monde parfait" ou "Gran Torino"), bien loin de l'image de facho que certains imbéciles voudraient lui coller. Il est profondément humaniste, mais pas d'un humanisme militant comme certains groupes politiques qui voudraient s'approprier l'exclusivité de cette qualité, ni d'un humanisme bêlant: il croit en l'homme malgré tous ses défauts. Certains du moins réussissent à s'élever moralement grâce à leur volonté et leur courage.
L'homme de bonne volonté peut/doit se battre pour défendre la liberté, le droit et le faible. Il prône la révolte contre ceux qui abusent de leur pouvoir. Il méprise la soumission et la servilité (les crachats sur "rantanplan").
Mais surtout, ce petit groupe qui se constitue par agglomération de personnages d'origines diverses, souvent fragiles, brisés par les aléas de la vie autour d'un homme fort et protecteur est une représentation de l'Amérique telle que la conçoit Clint Eastwood: le fort doit protéger le faible et la communauté est beaucoup plus forte que la somme des individus. Cette nation en formation recherche la paix avec ses voisins, mais se montre inflexible face à ses ennemis. Et la providence veille sur elle!
Si la réalisation ressemble encore à un assemblage des meilleurs styles d'autres grands réalisateurs dans un film aux ambitions trop diverses, Eastwood nous démontre qu'il est un grand directeur d'acteurs. Il n'y a pas une fausse note. Au contraire, sous sa direction, certains seconds rôles réussissent une des meilleures prestations de leur carrière, comme Paula Trueman en grand-mère grande gueule ou Chief Dan George qui trouve ici un magnifique prolongement de son rôle de "Peau de la vieille hutte" de "Little big man".