Stephen Chow nous livre ici une refonte de l'histoire culte du Roi Singe, considérée en Chine comme de la pure culture populaire. On se rapproche ici beaucoup des délires graphiques et du ton naïf de l'Histoire de fantômes chinois, mixé au genre du film de monstres, mais avec un talent, encore une fois chez lui, dans la rupture de tons. A ce titre, l'introduction est un petit modèle d'humour décalé, où il parvient à nous faire rire d'un massacre du style des Dents de la mer, étonnamment violent et gore par rapport à ce qu'il nous propose d'habitude.
Et alors que le début pourrait nous fait croire qu'il ne s'agira qu'un enchaînement classique de combats contre des démons avec des CGI certes pas toujours jolis mais bien intégrés à la narration, finalement, très vite, on revient au thème central de S. Chow, par le biais de son personnage central (pour une fois non incarné par Chow lui-même, mais par un jeune clone qui assure lui aussi en grimaces, et sympathique comme tout, même s'il n'égale pas son talent de comédien), moine chasseur de démons qui souhaite que ces derniers retrouvent leur bonté originale sans les tuer (à l'aide d'un grimoire de comptines, gros clin d'oeil complice à ses films d'antan). Ce qui est l'occasion d'un chouette cours accéléré sur ces légendes et cette sagesse bouddhiste qui animent le folklore chinois.
En outre, une love story naissante assez déjantée occupe une large part du récit, avec la sublime Shu Qi incarnant également une chasseuse de monstres qui envoie du lourd au combat, et va chercher par tous les moyens, à moitié hystérique, à s'accaparer du coeur du héros jeune et naïf, qui mériterait presque deux claques lorsqu'il lui refuse ses avances pour le moins cavalières. Avec l'introduction, il s'agit d'ailleurs de l'une des meilleures séquences, barres de rire assurées avec un coup monté visant à les mettre ensemble, avec notamment un "charme" de copie de mouvements pour apporter un peu de féminité à ce garçon manqué.
Enfin, il s'agit de l'une des réalisations les plus ambitieuses et mieux gaulées de Stephen Chow, en dépit d'effets forcément dépassés lorsqu'on est au courant des limites du cinéma HK, mais qui livrent la marchandise avec des combats épiques, généreux, et qui ne manquent pas d'humour, avec une reprise jouissive des stéréotypes du genre. Bref, ce cinéaste nous livre de nouveau un divertissement de qualité, avec un coeur gros comme ça (on reconnait sa patte de bout en bout, avec une énorme capacité à faire peau neuve en changeant constamment de genre ou de sujet, ce qui permet d'éviter la redite, malgré le canevas commun du "simple d'esprit" devenant maître à son tour), drôle et émouvant à la fois (surtout sur la fin), globalement bien rythmé, et donc parfait pour filer la patate. Par contre, la suite tournée par Tsui Hark semble malheureusement moins fameuse, mais de toutes façons, difficile de concurrencer l'inégalable Roi singe avec justement Stephen Chow dans le rôle-titre.