Jours de France emprunte le sillon tracé l’an passé par Alain Guiraudie avec son Rester vertical et l’approfondit. Comme son confrère, Jérôme Reybaud filme les paysages, les vies et les sexualités provinciales en suivant son voyageur de protagoniste. Mais alors que Guiraudie faisait des va-et-vient entre trois lieux emblématiques, Reybaud amplifie le geste en multipliant les étapes. Plus riche donc, Jours de France est également plus beau et mieux écrit ! Sabine Lancelin à la photographie réussit la gageure de livrer une image impeccable qui capte sans esbroufe les plaines vallonnées du Centre et les montagnes du Sud de la France, malgré la contrainte des nombreuses séquences automobiles. Quant aux cadrages, le réalisateur a l’audace de les penser au-delà de la plate illustration, osant à de nombreuses reprises situer l’action principale en hors champ, choix esthétique particulièrement pertinent dans un film où le fantasme tient une place prépondérante. Loin de tout naturalisme, Reybaud assume également des dialogues très littéraires (on rappellera que pour clôturer ses études il commit une thèse sur le poète Jaccottet), qui sonnent d’autant plus agréablement à l'oreille qu’ils sont portés par d’excellents comédiens, pour la plupart inconnus du grand écran. Jérôme Reybaud nous fait non seulement l’immense plaisir de renouveler les têtes du cinéma français, mais il le fait avec le maximum de panache, en leur offrant à tous un rôle si consistant qu’aucun ne pourrait décemment être nommé « secondaire ». Si chacun mériterait un commentaire élogieux, on soulignera déjà ici les performances de Liliane Montevecchi, auteure d’un véritable morceau de bravoure en comédienne dandy prodiguant ses conseils d’aînée désabusée, et de Jean-Christophe Bouvet, plus vrai que nature en aubergiste bourru. Dans chaque numéro de duettistes qu’il met en scène, Jérôme Reybaud dessine des contrastes en faisant se rencontrer des antagonismes : Paris et la province, la jeunesse et la vieillesse, la richesse et la pauvreté, la solitude et le couple. A l’image de la devise flamboyamment proclamée par Liliane Montevecchi, par-delà leurs différences, le réalisateur confère à tous les mêmes « liberté, dignité, virilité ». C’est à la fois très juste et très beau.


F.L.

etsecla
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le 11 juin 2019

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