C’est une histoire de fugue, et de fugue amoureuse aussi. Un matin, Pierre Thomas décide de quitter Paris et Paul, son petit ami. Il s’en va, comme ça, sans rien dire et sans que l’on sache pourquoi. Il prend des échangeurs, des autoroutes, il prend des nationales et des chemins (de traverse) qui tracent sa fuite vers il ne sait où, mais partir de toute façon, décamper de la capitale jusqu’aux montagnes pour se sentir un peu plus libre, qui sait, en utilisant l’application de rencontres gay Grindr comme une espèce de GPS (sentimental et sexuel). Son périple, avec son compagnon à ses trousses, le fera croiser pas mal de monde, chanteuse en maison de retraite, plan cul, libraire, voleuse, VRP ou vieille dame…
Jérôme Reybaud, pour son premier long-métrage, revisite le road movie façon jeux de drague (et du hasard) et drôles d’endroits pour des rencontres. L’idée en soi est plutôt originale, éventuellement intrigante, mais va rapidement se révéler une impasse esthétique et scénaristique. L’aspect mécanique des rencontres, comme autant de mini-sketchs les uns à la suite des autres, est entrecoupé, de façon tout aussi mécanique, par de nombreux (et in-ter-mi-na-bles) plans de routes en voiture qui n’apportent absolument rien en termes de dramaturgie (aucune tension ni progression psychologique à l’œuvre, Pierre Thomas restant quasiment le même du début à la fin, ce même homme impassible que l’épreuve de l’épopée ne changera en rien), de rythme (sinon le rompre, constamment) et même d’usage stylistique. Et comme le film dure, sans que rien ne le justifie (mais après tout pourquoi pas), 2h20, Jours de France s’avère au final d’une atonie rare et détestable.
Le film est comme un objet froid et vide qui se veut conceptuel, voire contemplatif, où chaque rencontre (amicale, amoureuse, absurde…), telle une projection connexe au parcours de Pierre Thomas, telle une réflexion sur l’identité (que cherche réellement Pierre Thomas, au-delà de la simple escapade ?) et la solitude (ce sont toujours des gens seuls, et comme incertains de leur existence, que Pierre Thomas croise au fil de son voyage) à travers un pays en déroute (moralement et politiquement), où chaque rencontre donc ne dépasse pourtant jamais la saynète anecdotique, l’intermède obligé, puis la figure de style rébarbative. Entre élans poétiques (la scène d’amour à travers un mur…), ennui profond et naturalisme sec, Jours de France s’enlise dans un marasme sans issue, trop sûr de ses effets auteuristes et théoriques, emmené par un Pascal Cervo au visage lisse et taciturne (mais c’est voulu, alors pas la peine de chicaner) traversant, comme un mort-vivant, ce film plus lisse et plus taciturne encore.
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