Noël 1914. Sur le front, Français, Ecossais et Allemands décident de cesser provisoirement les hostilités afin de fêter Noël tous ensemble sur le no man’s land. Mais cette nuit d’amitié n’est pas vraiment au goût de la hiérarchie. Et lorsqu’il s’agit de reprendre la guerre, les soldats ne sont plus les mêmes…


Représenter la guerre au cinéma n’a jamais été chose aisée. Les grands films de guerre ont souvent su s’en tirer en misant tout sur le côté spectaculaire, renonçant à nous proposer une véritable réflexion sur la guerre. Car lorsque les réalisateurs décident de nous faire réfléchir sur la guerre, ses causes et ses conséquences, la plupart se prennent les pieds dans le tapis. En effet, n’est pas Nolan qui veut, et réussir à mettre de la grandeur dans un récit de guerre sans basculer dans le simplisme n’est pas à la portée de tous. Simpliste, Joyeux Noël l’est de bout en bout, et c’est véritablement malheureux de voir Christian Carion perpétuer ce triste manichéisme qui vise à montrer que plus un homme est élevé dans la hiérarchie militaire (et ici, également religieuse), plus il est idiot.
Le film n’est pourtant pas dénué de défauts, loin de là. Car en effet, outre un très bon casting et une reconstitution plutôt rigoureuse et agréable à voir, c’est lorsqu’il s’agit de filmer des hommes décidant de fraterniser autour de la fête la plus universelle qui soit, que Carion réussit le mieux à toucher le cœur de son spectateur. Même si la naïveté est toujours de mise, c’est souvent une belle naïveté, qui met l’accent sur l’humain au cœur de la guerre. Il y a en effet quelque chose de grandiose de voir des hommes d’origines et d’idées radicalement différentes se réunir tous ensemble autour d’une foi que tous ne partagent pas (très belle scène de la messe et de l’Ave Maria, chanté par la voix d’or de Nathalie Dessay), mais dans laquelle tous retrouvent des valeurs universelles et fondatrices que la guerre tend à nous faire oublier. En cela, Joyeux Noël atteint son but, et le fait sans subtilité, mais avec une délicatesse extraordinaire.
Toutefois, ces quelques moments de grâce sont sabotés par la représentation qui suit, d’une hiérarchie qui ne veut rien entendre et se contente d’entretenir la haine de l’autre chez ses soldats (catastrophique scène du sermon de l’évêque écossais, qui compile les pires clichés qui soient, agissant comme une sorte de miroir déformant de la scène de la messe susmentionnée, et d’autant plus erronée que la vraie critique de l’ennemi venait de nos gouvernements républicains et non du clergé). Ainsi, si Joyeux Noël met à bas le manichéisme républicain et patriotique du siècle précédent, qui visait à faire de l’ennemi un monstre sanguinaire, il en adopte un autre, non moins pire et bien plus de son temps : un manichéisme marxiste, teinté de lutte des classes, dans lequel une hiérarchie unilatéralement imbécile écrase un homme d’autant plus brave et d’autant plus victime qu’il se trouve au bas de la pyramide.
Que la guerre de 14-18 ait été une boucherie sans nom pour le soldat, du fait de l’inconscience totale d’une certaine hiérarchie, cela n’est pas à remettre en cause. Nuancer le point de vue pour montrer qu’au sein même de cette hiérarchie, on trouvait un grand nombre d’hommes lucides et intelligents (a-t-on oublié des noms tels que Pétain, Gallieni, Castelnau, Lanrezac, Fayolle et bien d’autres ?), était un luxe que le film de Carion ne pouvait se permettre de laisser passer. C’est malheureusement ce que le réalisateur a fait, emporté dans son élan, un élan un peu trop pacifiste pour être honnête.

Tonto
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le 18 déc. 2017

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