Joint Security Area a été l'un des premiers films coréens que j'ai vu. M'étant lancé dans ce cinéma avec " I Saw The Devil ", j'ai particulièrement apprécié les prestations de Lee Byung Hun et Cho Min Sik, et je me suis donc décidé à explorer leurs filmographies respectives avant d'élargir mon "champ" de visionnage. Je me laisse donc guider par Wikipedia et je lis le synopsis de ce film, simple. On se pourrit les premières minutes, il en dit trop mais je suis tout de suite intéressé.

Ce film c'est le drame de la Guerre Froide résumé. Il n'y a pas que l'affrontement Capitaliste-Communisme, il n'y a pas que L'URSS et les États-Unis, il y a des cultures, des vies, bouleversées par les deux Superpuissances. Et Park Chan-Wook, plutôt que de nous livrer une œuvre orientée politiquement pour l'une ou l'autre, nous ramène à une réalité toute autre : Corée du Nord et Corée du Sud ne forment en réalité qu'une seule Corée, Coréens du Nord et Coréens du Sud sont frères. Il film ici l'absurdité de la zone démilitarisée où anciens frères se regardent en chien de faïence. Comment en est-on arrivé là ? Les aspirations différentes de deux nations peuvent-elles réellement scinder un peuple en deux ?

Dans la conception du film, j'ai l'impression qu'il s'adresse autant aux coréens qu'à des étrangers complètement à la ramasse sur ce sujet (scolairement, on vous apprend que les deux pays sont séparés, que la Corée du Nord c'est les gros méchants communistes dotés de l'arme nucléaire, et que la Corée du Sud c'est le pays où on mange des poulpes vivants et où on aime le jeu vidéo). Je m'explique : on a ces vingt ou trente premières minutes où le cadre se pose et forcément, où les rôles sont clairement montrés tel qu'on les connaît. Cette entrée en matière quelque peu cliché est la source du pouvoir dramatique exceptionnel de ce film. Avant d'être des geeks ou des communistes, les Coréens sont des humains, frères qui plus est. Et on se rend compte ici que les deux pays ont tant à partager, tant de plaies à panser par rapport au passé (la Corée a été colonie Japonaise, et à peine 8 plus tard, scindé en deux) qu'il en devient ridicule de les voir s'opposer à cause de deux régimes, et d'une discipline militaire qui exclu les rapports entre ces soldats à la frontière. Personne n'est aussi proche de l'horreur de cette partition que ces hommes.

Park prend des risques en nous montrant un soldat nord-coréen, le Sergent Oh (Song Kang Oh qui est toujours dans les bons coups, comme dans Memories of Murder) faire le " Premier Pas " vers un soldat sud-coréen (Lee Byung Hun). Plutôt que de l'exécuter ou le ramener en prisonnier, comme cela aurait dû être le cas, il va le laisser. "Pire", il va l'aider. Comme si le sang fraternel qui coule dans les veines des ces hommes était plus important que des directives venues directement des dictateurs (il ne faut pas oublier que dans un premier temps, la Corée du Sud est gangréné par la corruption qui sera suivi par l'arrivée de Park Chung Hee, qu'on pourrait assimilé à Margaret Thatcher). Ils vont alors apprendre à se connaître, échanger, et se laisser rêver à suivre cette routine amicale longtemps. La scène du crachat est particulièrement forte : pour n'importe quel touriste, il apparaîtrait une haine profonde entre soldat du nord et du sud alors qu'en réalité, ce n'est qu'un jeu pour les deux concernés.
L'amitié se poursuit, on échange ses impressions, on montre sa fiancée, on se laisse aller à regarder magazines olé, jusqu'au déclencheur dramatique.

Ces 4 hommes, amis, ont compris quelque chose que des millions d'autres se cachent. Une réunification coréenne semble loin, tant les deux pays vivent tensions et se rendent coup pour coup. Au milieu de cette joute politique, quatre militaires, entretiennent une amitié qui n'est pas censée exister. Tout au long du film, on "haït" cette Suissesse d'origine Coréenne venue fouiner dans quelque chose qui ne la regarde pas (interprétée par Lee Young Ae, excellente, qu'on retrouve dans Lady Vengeance). C'est peut-être le point le plus sombre du film : l'histoire existe uniquement parce que personne ne la connaît. Et sa diffusion la détruirait ; détruirait la pureté de ces hommes, détruirait les quelques efforts consentis par les deux pays.

Ils ne posent pas ici les bases d'une réconciliation. Car ils la savent vaine. Pour preuve : le gradé nord-coréen est le déclencheur dramatique du film, celui qui conduira à la mort de Jung, parce qu'il considère que le Sergent Oh s'est rendu coupable de traîtrise. Elle est vaine pour aujourd'hui, et certainement vaine pour longtemps encore. La réunification coréenne est encore l'affaire de décennie, et l'absurdité continuera de sévir. Que nous dit Park Chan-Wook ici ? Qu'au-delà d'un conflit entraîné par les deux Superpuissances de l'époque, qu'au-delà du fait que la séparation Coréenne soit le dernier conflit ouvert datant de la Guerre Froide (en effet, il n'existe pas de réel accord de paix entre les deux nations mais seulement des cessez-le-feu, ce qui signifie que techniquement les deux pays sont toujours en guerre) et qu'au-delà encore des idées qu'on se fait sur ces deux pays, ce sont les coréens qui sont maîtres de leur avenir. Depuis le XIXe siècle, rien n'a été épargné à la Corée et la souveraineté a été tantôt donnée au Japonais, tantôt aux E-U et à l'URSS. Ils sont aujourd'hui les seuls capables de mettre fin à un conflit absurde qui a séparé nombre familles ou amis. Tout le paradoxe du pays est ici : Les Coréens, enfin maîtres de leurs destins, ne savent pas comment se réunir, et ne peuvent pas car les mœurs ont entraînés une méfiance et un rejet bien trop important...
Killian_Oberyn_Lucky
9

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films coréens

Créée

le 7 juin 2014

Critique lue 427 fois

1 j'aime

Critique lue 427 fois

1

D'autres avis sur JSA - Joint Security Area

JSA - Joint Security Area
Vincent-Ruozzi
8

La guerre de Corée n'aura pas lieu

Contrairement à ce que l'affiche pourrait faire penser, Joint Security Area n'est pas un film de guerre, mais une œuvre politique avant tout. Cinquante ans après la guerre de Corée, alors que Sud et...

le 4 mars 2018

67 j'aime

6

JSA - Joint Security Area
menjartot
9

Critique de JSA - Joint Security Area par menjartot

Joint Security Area est un très grand film, sur tout les points de vue. Tout d'abord, c'est le film fondateur de la Nouvelle Vague coréenne des années 2000 qui a offert au cinéma un bien immense...

le 22 juil. 2012

46 j'aime

3

JSA - Joint Security Area
Grimault_
8

Géométrisation de l'homme

En 2000, et pour seulement son troisième film, Park Chan-Wook frappait un grand coup cinématographique et politique avec Joint Security Area, alors que les relations entre Corée du Nord et Corée du...

le 29 juin 2018

45 j'aime

7