Le plus grand problème de "Ju Dou", quand on découvre ce film de Zhang Yimou tardivement, c'est d'arriver après "Épouses et concubines". Seulement une année sépare leurs sorties respectives mais sur le papier, les correspondances sont si nombreuses qu'on pourrait presque les confondre : Gong Li y incarne l'oppression de la femme dans la société chinoise du début du 20e siècle, épouse attitrée (comprendre achetée, dans le cas présent) d'un mari violent et obsédé par une paternité qui semble inaccessible. Deux huis clos, deux maisons dont les murs deviennent ceux d'une prison (physique, au sens de l'enfermement, mais aussi psychologique). Deux écrins aux couleurs profondes, passant successivement par plusieurs teintes hautement signifiantes. Le rouge vif des débuts laissera sa place à la froideur du blanc dans "Épouses et Concubines" alors qu'il vire au bleu amer dans "Ju Dou".


Tous les ponts que l'on peut dresser entre les deux œuvres constituent autant de points qui jouent en la défaveur de ce qu'on serait tenté de qualifier de brouillon (au sens noble et non-péjoratif du terme). Si les trames narratives se ressemblent énormément, leurs développements diffèrent sensiblement dans la nuance et la subtilité qui fait ici cruellement défaut. C'est surtout la figure du mari de Gong Li (le personnage éponyme), Yang Jinshan, centrale dans l'organisation du mal qui règne dans la maison, qui peine à convaincre dans ses différents états, de mari violent, verbalement puis physiquement, à mari impotent. C'est une pièce maitresse de la narration qui, à défaut d'être soignée, nuit à la seconde partie du film consacrant la vengeance psychologique de Ju Dou et de son amant. Leur amour ostensiblement affiché à l'intérieur de la maison, devant un mari paralysé, est pourtant une forme de torture très intéressante. La figure du fils est tout aussi intéressante dans son incarnation d'une certaine reproduction sociale, tant il ressemble plus à celui qu'il croit être son père qu'à son véritable géniteur, les deux étant les seuls hommes de la maison. On aurait aimé une gradation plus soignée, plus élaborée, dans la croissance de son malêtre et dans la composante maléfique de son être. Un personnage qui a sans doute motivé à l'époque, aux côtés de l'érotisme latent, la censure du film en Chine.


La couleur chez Zhang Yimou, en se basant sur une expérience limitée de sa filmographie, a toujours eu une grande importance. Elle a pu être un peu excessive dans des films aux tonalités extrêmement prononcées comme "Hero", mais elle brille par sa force et sa sobriété dans "Ju Dou". L'atelier de teinturerie est un tableau de choix pour laisser éclater les couleurs de draps immenses, suspendus au plafond et jusqu'au-dessus des toits, de toute leur hauteur. Les pigments signifiants de ces tissus glissent ainsi de l'éclat à la fadeur, à l'instar des émotions des personnages.


Les germes d'"Épouses et Concubines" sont clairement là.

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le 2 oct. 2017

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Morrinson

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