Juan of the Dead par Wykydtron IV
J'avais vu des news sur ce film sur le net. Je pensais au départ, au vu du titre, que ce serait une pâle copie de Shaun of the dead en plus fauché, j'ai été assez intéressé en voyant que ça avait l'air de se démarquer suffisamment, et en lisant des avis positifs. J'avais vu un stand décoré à son honneur à Cannes l'an dernier, ça m'avait plu, et je pensais que je le verrais sur internet, mais il se trouve qu'au même endroit au Marché du film cette année, il y avait le même stand, avec plusieurs pans de mur affichant "Juan of the dead", avec une date de projection indiquée.
J'aurais pu voir "You can't kill Stephen King", à la même heure, mais la BA m'en avait dissuadé. J'aurais pu aller voir le film de Gondry après, en n'allant pas voir Juan of the dead, pour faire la queue plus tôt, mais non, c'est le film de zombies Cubain que je voulais voir !
Bon, évidemment, je ne m'attendais pas à un film aussi bon et aussi malin que Shaun of the dead, mais à quelque chose de fun de manière plus décomplexée et moins réfléchie.
On n'a pas deux potes mais 3 principaux en guise de protagonistes ; le héros a une arme qui ressemble à une batte à un moment, mais en fait c'est une rame ; j'ai cru qu'on nous ressortait l'histoire du héros quitté par sa copine et qui veut la récupérer durant l'invasion zombie, mais en fait Camila s'avère être la fille de Juan ! C'est pas mal, même si vu l'âge des acteurs, à moins que Juan ait été papa à 10 ans, on peut oublier la crédibilité. La fille se met en couple avec un pote de Juan après, en plus... je sais vraiment pas quel âge chacun est censé avoir.
A part ça, effectivement, l'humour de Juan of the dead est bien moins fin, et fait appels à des gags bien plus potaches qui n'ont rien à voir avec les zombies, et qu'on pourrait très bien trouver dans n'importe quel teen movie graveleux : un homme veut se suicider et tombe sur le balcon d'une femme qui décide de tromper son mari avec lui ; un des personnages principaux est un travesti ; une grande partie du casting se met à nu pour des gags tous bien lourds, comme quand la couille de l'un dépasse de son short... wtf ?
La façon dont les gags sont avancés n'est pas mieux parfois. J'ai l'impression que le scénariste a repensé à cette première partie de Shaun of the dead où le héros ne se doute encore de rien, et, devant faire sa propre zom-com, a regretté de ne pas pouvoir exploiter plus que cela ce principe, étant en plus de cela obligé de ne choisir qu'un gag parmi ceux qu'il a trouvés pour le moment où le héros se rend compte de la vérité, que les morts reviennent à la vie (je dis tout ça parce que c'est ce qui m'est passé par la tête lors d'un RP, durant ma période de frénésie post-Shaun of the dead ; Kevin, si tu me lis...).
Bah du coup dans Juan of the dead, il y a plusieurs "premières fois", plusieurs moments qui devraient comporter une épiphanie pour le personnage, sans que ça n'arrive. Heureusement que c'est drôle (surtout la scène du "miracle"), mais il faudrait normalement que Juan soit particulièrement con, mais il ne l'est pas, à voir comme il se débrouille pour survivre par la suite, alors que tout le monde autour crève.
Le film sacrifie d'ailleurs la cohérence des personnages au profit de situations comiques. Ils se montrent tout à faits horribles et dépourvus complètement de considération pour l'humanité quand ils laissent un type en tuer un autre car il lui devait de l'argent, ou quand ils abandonnent un vieil handicapé pour récupérer son fauteuil roulant. J'ai trouvé cette désinvolture totale trop horrible pour être comique, et après on veut instiller de l'émotion dans le film avec un moment typique "oh non, mon meilleur ami, tu as été mordu, je ne peux pas te tuer", où, forcément, aucune émotion ne peut passer. De toute façon le film sabote volontairement tout moment qui peut être sérieux par un gag idiot.
Autre problème pour la fin, avec la séparation, où j'ai vraiment ressenti qu'un personnage décidait de ne pas faire ce qu'on attend de lui de manière forcée, juste pour créer du drame dans l'intrigue.
Il y a des facilités aussi, trop de blagues basées sur "it looks just the same to me", réaction d'au moins 3 personnes post-invasion zombie.
Je critique, je critique, parce qu'il y a des défauts, mais globalement le film sait se montrer drôle. Déjà, l'humour en dessous de la ceinture ne m'a pas totalement déplu, même si la plupart du temps il est trop insistant et gratuit.
Ensuite, le titre du film est parfaitement justifié, quand il devient le nom de la compagnie que montent Juan et ses potes, pour se charger des morts de leurs clients. L'idée est très sympa je trouve. Au lieu d'aider les autres, comme l'espérait sa fille, Juan monte un business.
Après, j'ai bien aimé les spécificités du film par rapport à son contexte géographique. Cuba étant une île, on a des scènes d'exode par voie maritime, chose que je n'avais jamais vu auparavant dans un film de zombies, il faut l'avouer.
Il y a même un peu de sous-texte social dans ce film, avec Juan qui essaye de justifier ce qu'il fait en disant qu'en temps de crise, les Cubains cherchent toujours à faire du profit, ou avec ce détail qui est que la propriétaire d'un des immeubles qu'ils vont nettoyer ne sait pas exactement combien de zombies il y a parce qu'elle hébergeait des gens sans les déclarer et qu'il pourrait y en avoir plus qu'elle n'en connaît.
Côté zom-com, le film sait se montrer original, comme le démontrent aussi la scène du requin ou celles de fights où chacun démonte une masse de zombies dans la rue. Dommage que le réalisateur s'y connaisse moins en film d'horreur en général, comme me le font penser ces clichés repris comme s'il pensait avoir fait quelque chose de nouveau. Le jump-scare au début du film passe car on se dit qu'il est là à des fins comiques, mais on retrouve plus tard cette situation ultra-prévisible du mec se doutant de rien qui tourne le dos à une ouverture potentiellement dangereuse. Ici, il s'agit d'une porte. Dans Shaun of the dead, et Inferno que j'ai revu hier, c'est un personnage qui se fait saisir dans le dos en se plaçant devant une fenêtre.
J'ai été surpris par ce film Cubain de par le fait qu'en plus d'avoir de bonnes idées avec les zombies, comporte des morts-vivants au maquillage haut-de-gamme, du gore de qualité, et des FX très bien réalisés. Il y a une scène avec un harpon totalement géniale, à hurler de rire, qui n'aurait pas pu marcher aussi bien sans des trucages aussi efficaces.
Bon les FX ne font pas tout, dans cette scène avec des milliers de personnes qui fuient, les trucages sont bons, mais ce qu'on voit est tellement gros qu'on n'y adhère pas et que ça paraît juste ridicule.
Ce que j'ai bien aimé aussi, niveau gore, c'est l'attention portée aux détails dégoûtants, comme le petit bout de peau arrachée sur les menottes d'un personnage après qu'un autre en ait retiré sa main. Dans des éléments comme celui-là, on reconnaît un film audacieux, celui-là même qui ose montrer les couilles d'un de ses acteurs (preuve qu'il faut se modérer quand même, des fois).
Au passage, il y a une petite référence sympa à Braindead.
Je ne savais pas trop ce que j'allais voir, je ne connaissais même pas l'histoire, mais en tout cas je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi vulgaire (dans le sens que vous voulez).
Quoi qu'il en soit, j'ai bien aimé le film ; moins cheap que je le pensais, plus sauvage, mais aussi imaginatif que je le souhaitais. Et malgré les apparences, l'écriture n'est pas si mal que ça, à voir la façon dont certains éléments reviennent plus tard dans l'intrigue, ou certains détails sur les personnages (Juan qui veut faire plaisir à sa voisine, une femme âgée, en lui donnant raison quand elle croit qu'il a voulu lui toucher le cul).
(Cannes #4)