Délimité par des séquences vidéo réelles, Judas and the Black Messiah s’affirme tel un document historique soigné et bien interprété qui retranscrit avec justesse l’atmosphère de la Black Panther Party. L’entrelacs de deux points de vue d’abord opposés et qui finissent par converger vers un même combat s’avère pertinent, quoique le réalisateur leur refuse un souffle dramatique voire romanesque que laissaient présager certains partis pris esthétiques, notamment une photographie très travaillée et une iconisation de Fred Hampton et de son entourage.
Le film intéresse mais ne passionne pas, il représente et incarne sans que cette incarnation ne se subordonne à une vision artistique véritable et claire. Il est écartelé entre une trajectoire parabolique, explicitée par le titre et symbolisée à l’écran par la façon qu’a Shaka King de regarder ses protagonistes – Bill devient à terme un « frère » pour Fred, qu’il considère comme un membre à part entière de sa famille et convié, pour cela, au dernier repas d’un Christ noir –, et une posture documentaire qu’appuient les images d’archives et les panneaux de texte à rallonge.
Manque ici une audace de ton et de forme, qu’un cinéaste comme Ridley Scott aurait certainement su donner à un récit doté de ses thématiques principales – la figure de Judas apparaissait déjà dans American Gangster (2007), traître du héros populaire et héraut du black power interprété par Denzel Washington. Reste un long métrage solide et interprété par d’excellents acteurs, à commencer par Daniel Kaluuya.