Non mais il va falloir arrêter le consensus et la célébration de la médiocrité. Le cinéma est un grand art, on le juge au regard des grandes oeuvres, on continue à voir des films en cherchant de grandes oeuvres. Et là, qu'est-ce qui est beau, vrai, authentique, bien, unique?
Alors d'accord, le support originel: un pan de l'histoire du Black Panther Party. Mais le genre du biopic est de loin le pire genre hollywoodien, le plus difficile étant donné qu'il n'a donné lieu à aucun ou très peu de chefs-d'oeuvres. Malheureusement, pour ce film, on baigne dans le faux, la commande Uber.
Tout d'abord, la réalisation inexistante. J'ai été extrêmement choqué de l'absence de style du film. Tout est filmé avec la même intensité: que ce soit fusillade, retrouvailles, un bâtiment incendié ou des dialogues, il n'y a aucun relief. Le montage est sur-cuté pour des scènes ou le plan séquence aurait été de mise, tout s'enchaîne avec fadeur. Mais à la limite, ça, si ça pêche et que le reste rattrape... Mais alors ici, on a vraiment un film étrange. Même la cause (les droits civiques des afro-américains) est mal servie. Elle est interchangeable. Ça pourrait être une autre cause, d'autres personnes qui la défendent, la même configuration ailleurs dans le monde que ça n'aurait rien changé au récit. Rien n'est unique à part le fait réel originel.
Et puis pourquoi choisir un Judas comme personnage principal? Il ne sert qu'à amener une image d'archive et un panneau de fin (ça aussi, du jamais vu pour un biopic whouaouuuuu) qui veut donner une morale au film alors que ça ne mène à vraiment RIEN. Surtout que Fred Hampton est bien plus intéressant. Donc si on choisit de centrer le récit sur le dénonciateur, on fait en sorte que le film réfléchisse vraiment la condition de ce personnage, pourquoi il en vient à collaborer aussi longtemps avec le FBI, au-delà du chantage. Et là, d'un côté, ça parle en langage révolutionnaire, on a envie d'en apprendre plus sur le BPP, et d'un autre, on a le Judas qui sert de lien entre les scènes chez les afros et au FBI. On ne voit jamais sa tourmente, sa division, à part une où deux scènes qui existent d'abord pour faire avancer le récit, ensuite pour développer un trait de caractère.
Mais, encore une fois, c'est cette invisibilité qui est mère de tous les maux. Que voit-on dans ce film? À quel moment voit-on de la vie à l'écran? Le plus grand exemple de cet argument est le personnage joué par Plemons (le mec du FBI). Il bave comme quoi le BPP c'est des méchants, des terroristes etc. Mais si moi, spectateur, je lui demandais d'expliquer en quoi ils sont méchants, ce personnage ne pourrait pas répondre. Ils manquent trop de développement, c'est affreux. D'un coup, la copine de Hampton tombe enceinte, on a eu max 5 minutes de scènes de couples. Si le sujet est trop grand pour être filmé, focalisez vous sur quelque chose de plus restreint et faites en un joli moment qui ne repose pas uniquement sur le jeu d'acteurs.
Ah oui, et la scène où le fédéral dit au collabo qu'il l'a vu et qu'il pourrait gagner un Oscar... Oh oui chère cérémonie... regarde que je te cite! regarde comme je te titille! Alors!!? Oscar ou pas Oscar? Je ne sais pas moi, inspirez vous d'un BlaKKKlansman! Il avait de la gueule et c'est du cinéma de notre époque! La réalisation donnait du dynamisme, elle avait l'originalité de s'immiscer dans le lit des suprémacistes blancs! C'est sorti il y a trois ans et j'ai encore des scènes en tête! Je ne retiendrai rien de ce film, j'oublierai même que je l'ai vu dans 10, 15 ans, lorsque je retomberai sur cette critique. En tout cas, vous avez récompensé une commande Uber qui coche toutes les cases (biopic, moment de l'histoire américaine, cause -malheureusement- d'actualité, jeu d'acteur propre mais plat, réalisation jolie mais inexistante) sauf celles du cinéma.