Critique de Le malheur n'est pas éternel par Kamuishirow
Zendaya. Dialogue. Noël. Philosophie. Drogues. Huis Clos.
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le 13 déc. 2020
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Et bien voilà, c'est pas si compliqué de montrer pourquoi Euphoria explose toute tentative de concurrence sur le domaine "jeune adolescent de 15-20 ans". Tout simplement, cette série est capable de faire ce qu'aucune production de l'ère du divertissement ne se risquerait à faire: un parti pris.
Parce qu'ici, on va passer 50 minutes à se parler, âme contre âme, dans un café, la veille de Noël. Rue rêve et s'évade, puis se fait emprisonner dans la réalité. Elle sort des toilettes et rejoint Ali. Jusque là, rien d'innovant. Puis d'un coup, la discussion saisit le spectateur: aucun artifice, pas besoin d'effet spécial ou d'extravagance de langage ou autre. Le secret de Euphoria? Parler à l'ado derrière l'écran, le remuer, le considérer, lui faire mal parce qu'on l'aime.
Je suis persuadé que cette niaiserie est pourtant le point culminant de la force de cette production audiovisuelle: Ali ne prend pas de gant, il remue Rue comme je n'aurais pas aimé qu'on me le fasse. À travers ses mots, son regard, son expérience, ce n'est pas du mépris qui se dégage, mais de l'amour. Il est un personnage profondément humaniste, il croit en l'être humain (il le dit explicitement à un passage qu'il ne considère pas que l'humain naît mauvais).
Lorsqu'il parle de l'addiction à Rue, enfin, Zendaya qui, tout simplement "est" Rue vu que c'est une interprétation magistrale et parfaite en tout point, bref, quand il lui parle de drogue, ça en devient dangereux tellement le souffle nous reste coupé. Il la fait aller jusqu'au bout des choses. On voit ce bout de vie détruit, appuyer sur le couteau encore et encore, faire sortir de la vérité, quitte à ce que ça détruise le peu de raison de vivre qui restait en elle. Mais mon dieu que c'est beau. Au fur et à mesure que cet élan philosophique de se confronter à la réalité -tant fui par Zendaya- gagne en profondeur, on voit les rouages du cerveau lobotomisé de Zendaya qui tournent, qui essaient de se convaincre qu'il y a encore quelque chose à sauver.
Et puis vient la question ultime: qu'est-ce que le spectateur pense de ce personnage? J'ai un peu pensé à Monika de Bergman, et le final a contribué à cela: le malaise provient surtout de la faiblesse du personnage. Elle le sait mais ne se l'avoue pas, l'esthétique permet de cacher ce trou béant. Mais dans un café, la veille de Noël, la caméra de l'autre côté de la vitrine ne suffit pas, il n'y a pas un bruit. Et donc, une adolescente toxicomane réfléchit sur ce qu'elle est vraiment. On la voit se mépriser réellement, avoir honte de nous infliger cela. N'être presque rien.
Qui croyait cela possible de s'adresser à de jeunes adultes de manière si vraie en 2020? En 50 minutes et une conversation de café époustouflante, on parle de la mort et de la drogue, on parle à un personnage construit, cohérent, vrai, mais surtout, au spectateur. Au point de se demander si l'épisode avait pour but de faire avancer Rue ou la personne derrière son écran.
Euphoria: merci.
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Créée
le 8 déc. 2020
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