Mais quelle angoisse ces films contemporains qui croient "brosser le portrait d'une jeunesse en proie aux doutes". En fait, j'avais déjà imaginé tout l'article qu'un stagiaire aurait pu pondre à Télérama ou Première, tellement le package "film norvégien + liberté chez une jeune femme" représentait la marchandise. Sauf que, n'en déplaise à Joachim Trier qui essaie de s'acheter la complaisance des mouvements de déconstruction, Julie en 12 chapitres est un sombre détail de l'histoire du cinéma de 2021.
Pourquoi ? Pour beaucoup trop de raisons (j'ai hésité à vous en donner 12 hihi).
Tout d'abord, dans l'écriture des personnages. Notre pauvre Julie, elle doute, elle est très première de la classe au début, et elle part en psycho puis en image, puis elle devient libraire. Enfin libraire... quand le récit a besoin qu'elle re-croise un non-coup d'un soir (parce qu'elle trompe pas son mec !). Donc déjà, la pauvre, elle a pas le droit à une personnalité. On la dit studieuse et rangée et on te montre qu'elle prend des décisions sur un coup de tête, qu'elle écrit oklm un article qui fait le buzz sur la fellation... moi la première de la classe à l'école, elle a pas fait de quoi lui donner un prix d'interprétation à Cannes.
Et de là, Trier entretient un rapport archi claqué au sol à son personnage. En 2021, faut arrêter les gros plans sur la grosse tête à claque de ta protagoniste. On le voit qu'elle doute. On a besoin de 100 plans d'elle qui regarde l'horizon??? Enfin j'adore quand c'est long normalement, mais là, il se passe rien dans sa petite tête, ou du moins, on a rien à imaginer comme toutes les situations qu'elle traverse sont niaises ou peu propices à la réflexion. Bah ouais, elle a un copain, elle rencontre un inconnu... on voit exactement où ça va aller en fait.
Mais c'est aussi la faute à l'écriture et aux dialogues : première scène, ils vont chez des amis à la campagne. Tu fais quoi dans la vie? Tu veux des enfants? Pourquoi t'en as pas? Tu penses à quoi quand t'as 30 ans en 2021? Bingo à la loterie des clichés et des questions qui nous sortent par la tête. AH! Ne démarquez pas, le réalisateur est premier degré et ne se moquait pas des gens qui posent des questions aussi connes en attendant une véritable réponse, construite, pertinente, originale.
Et puis alors la caution militante là, c'est bon. Un peu féministe (elle écrit un article sur la fellation, qui donne droit, je l'avoue, à un plan sympa quand elle fait l'amour et qu'elle fait pression sur la fesse de copain2 comme pendant la fellation, c'est maigre comme plans marquants en 2h.....), un peu écolo avec copain2 qui a peur des avocats qui assoiffent des gens en Amérique latine, un peu une ôde à la liberté en montrant une jeune aller de l'un à l'autre.... moi je vois une bourgeoise qui est réduite à néant par une réalisation vieillote. C'est en fait très effrayant de voir un jeune témoigner de sa jeunesse de manière si clichée. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux amours d'Anaïs qui brille de 1000 feux sur tous les points que je reproche à ce film, à Girls de Lena Dunham qui évite tous ces écueils... Bref, c'est une chronique ratée d'une jeunesse qui donnerait envie de lui mettre des gifles, alors que la jeunesse, j'y crois moi, j'suis sûr qu'elle peut-être représentée avec justesse et émotion.
Et alors au sommet de l'incohérence, on a
le copain1 qui POUF UN CANCER, MICHEL METS NOUS DE L'ÉMOTION ET DE LA NOSTALGIE STP, alors notre bonne cruche, elle fonce, elle veut être là pour le mec qu'elle a largué. Et nous, on subit ces banalités, ces lapalissades à répétition à la recherche de l'origine de la passion du man pour la BD, alors qu'on s'en carre, on nous le rend jamais humain, attachant.
Ah oui, parce que tout sert à faire avancer le récit, les personnages n'ont aucun trait de personnalité propre. Ils ont un prénom, une catégorie socio-professionnelle, envie d'avoir des enfants ou non, une pseudo passion dans la vie et c'est à peu près tout.
Et puis ces scènes too much qui ne renforcent jamais aucune idée là, quand les gens arrêtent de vivre d'un simple coup sur l'interrupteur de la cuisine... bah, dans Les amours d'Anaïs par exemple, la sur-esthétisation spontanée dans la scène de fin par exemple, elle embrasse un propos général (la fiction l'emporte sur le réel), mais ici, c'est clairement de la paresse maquillée en spectacle pour faire vibrer trois pecnos qui verront là une nouvelle scène Dolan-like à liker sur Youtube, mais cinématographiquement, c'est long et chiaaaaaaant. Pareil pour la scène sous champis, le chapitre intitulé "le petit cirque de Julie la narcissique" là, ptdr allez stop svp.
Outre la longueur insupportable, ce film parvient donc à nous donner envie de mourir, nous jeunesse qui assistons à notre propre portrait raté, comme si le message qu'on écrivait tous ensemble, c'est de nous essentialiser dans des luttes et des craintes, alors que paradoxalement, on a juste tout simplement envie de courir comme sur l'affiche du film, et nous libérer de tous ces carcans académiques et conventionnels qui ne mènent qu'à gagner des prix à Cannes. Si vous voulez voir une jeunesse en proie au doute, n'allez pas voir Julie, allez voir Anaïs.