« Film doudou » dans tout ce que ça de plus méprisable

Dieu que c'est insignifiant.


Je crois que ce film avait tout pour me plaire, on y suit la vie d'une trentenaire qui ne sait pas trop quoi faire de son existence, mais qu'il réussit à faire tout systématiquement de la pire des manières possibles.


En fait le film n'arrive jamais à être juste, tout fait trop écrit, tout fait kitch avec des effets de mise en scène pompeux et surtout tout ça se prend atrocement au sérieux. Je veux dire qu'on n'a jamais aucune proposition originale, tout ça je l'ai déjà vu mille fois, je n'y crois juste plus. Par exemple, elle s'incruste à un mariage, on ne sait pas pourquoi d'ailleurs, elle s'assoit à côté d'un mec et lui dit : ah mais tu me poses pas les questions habituelles genre, comment tu t'appelles, qu'est ce que tu fais dans la vie, etc ? Et donc le mec lui pose ces questions... Ce à quoi la fille répond que ces questions l'emmerdent...


J'ai été obligé de lever les yeux au ciel... c'était couru d'avance, c'est nul, c'est éculé... et ce n'est même pas comme si le film avait conscience de la nullité de cette scène et s'en servait pour faire un moment de gêne absolue avec une fille qui tente une approche débile déjà vue mille fois. Non, ça marche. Le film traite cette interaction comme une interaction réussie, drôle ou je sais quoi. Un désastre !


En fait le film n'a aucun humour, aucune autodérision, son personnage principal n'a rien de réel, c'est juste un archétype fade et vide de ce que serait une bourgeoise de trente ans qui peut se permettre de changer de voie plein de fois à la fac, de faire un petit travail avant de vivre de sa vraie passion, pendant qu'elle vit avec son mec auteur de BDs.
Mais de quelle personne réelle parce ce film ? De personne, cette femme n'existe juste pas...


Et surtout, même lorsqu'elle pète en pissant elle toujours montrée à son avantage. Jamais le film ne va tenter de la bousculer un peu, tenter de montrer sa médiocrité, tenter quelque chose fait pour la rendre moins fade, plus tangible... Mais non elle est toujours parfaite, bien coiffée, ce qui renforce ce sentiment de bourgeoisie déconnectée du monde et qui n'en a même pas conscience. Et bordel, il faut le dire, mais le titre norvégien veut dire un truc du genre : la pire personne au monde... Elle est où cette personne dans le film ?


Il y a toujours le petit effet de mise en scène, ridicule au possible, qui est censé sublimer sa vie... vas-y que j'arrête le temps, vas-y que je mets des ralentis alors qu'on se fait des soufflettes... On se croirait dans une pub pour une assurance vie. C'est dire l'échec esthétique du film.
Même sa scène de rupture il faut qu'elle soit "stylée", jamais le réalisateur ne saisit le pathétique de la situation.


D'ailleurs sur la fin du film il y a un début sur l'art, est-ce-que l'art doit choquer ou bien au contraire servir de doudou (je simplifie) et je ne sais pas si le réal se voit comme le dessinateur de BDs de son film, à savoir un mec qui choque, qui provoque, qui pense que l'art doit sortir les gens de leur zone de confort, parce que ce n'est absolument pas ce qu'il fait. Il fait même l'exact inverse. Il fait un film creux, vain, mais qui procurera sans doute du réconfort dans sa vacuité à des gens, en leur montrant pour la millième fois les mêmes passages obligés de la vie de couple, mais avec jamais rien de perturbant... Même la mort semble bien gentille dans ce film.


C'est profondément désespérant tant il n'y a rien de neuf, rien d'original, rien qui soit bien traité dans ce film. On est là face à une purge.


Et forcément j'ai envie de comparer, sur le couple avec Scènes de la vie conjugale, sur les femmes atteignant la trentaine avec Eva en août, Jeune femme de Léonor Serraille ou encore la série Fleabag. Disons que là, ça osait sortir un peu des sentiers battus, ça osait aller un peu dans le pathétique, avoir des personnages qui ne sont pas lisses et des coquilles vides.


On assiste là au conformisme à l'état pur, un film bien gentil qui viendrait dire à son public : mais non t'es pas médiocre, mais oui toi aussi identifie toi à cet avatar creux... l'enfer.
Encore une fois, je me répète, mais s'identifier à un personnage dans un film ce n'est pas lui faire vivre les mêmes choses que le spectateur dans les grandes lignes (rencontrer quelqu'un, flirter avec un autre, se séparer, se rabibocher un peu, etc) et essayer d'avoir le moins de personnalité possible histoire que tout le monde puisse s'y retrouver. C'est même l'exact inverse. C'est réussir à proposer des interactions justes entre les personnages, ne pas avoir peur que ces persos aient leur propre personnalité, leur côté ridicule, pathétique, avoir des dialogues qui ne semblent pas sortir d'un livre de développement personnel... des choses qui nous font dire : même si ça ne m'est pas arrivé, je comprends sa réaction, j'ai de l'empathie pour ce personnage.


Bref ce film regroupe tout ce que je trouve de plus ignoble au cinéma.


Mais pour être de bonne foi, il y a un passage, pas très subtil, ni très bien amené, où il arrive un malheur à l'héroïne (c'est sous la douche) et on sent qu'elle est soulagée. C'est le seul moment humain du personnage, un soulagement qui, si on voulait être totalement politiquement correct, ne devrait pas en être un. Là pendant 5s le personnage un semble d'existence, avant de retourner au néant duquel il vient.

Moizi
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le 30 janv. 2022

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