L'incertitude est un des grands maux de notre siècle. Bon, cela existe depuis la nuit des temps. Mais disons que notre époque numérisée n'a pas arrangé le truc. Incertitude dans son avenir sentimental, dans son avenir professionnel, dans son avenir familial, dans son avenir tout court. Et j'emploie le mot "incertitude", c'est parce que l'on va suivre pendant un peu plus de deux heures une jeune femme, venant d'entrer dans la trentaine, qui en est victime. Il faudra un grand bouleversement pour remettre les choses grandement en place...
Joachim Trier réussit encore une fois à frapper juste (plus ici que d'habitude même !) dans sa peinture du sacré poids à traîner qu'est la vie dans notre société contemporaine à travers un beau portrait féminin d'un être qui ne sait pas ce qu'il veut. Mais contrairement à la plupart des personnages des œuvres précédentes du cinéaste, notre protagoniste ne manque pas de ressources, d'une certaine volonté d'indépendance et d'un caractère pétillant qui la poussent malgré tout à aller de l'avant. Ce qui fait qu'une touche d'humour, de temps en temps, vient côtoyer l'émotion et le drame, ces derniers d'une sobriété irréprochable. Le tout raconté en un prologue suivi de douze chapitres pour se conclure sur un épilogue.
Une structure qui permet de creuser Julie en la mettant dans une majorité de situations pouvant arriver dans notre existence, dans lesquelles on se reconnaît ou, du moins, dans lesquelles on entre en empathie ; le tout en conservant une cohérence chronologique. Oui, ce n'est pas du tout un puzzle narratif qui profite de cet état de fait pour ne pas avoir de profondeur, tout en essayant de dissimuler sa vacuité derrière une couche de prétention.
Ah oui, et la mort si omniprésente dans la filmo du Monsieur par l'intermédiaire de pulsions suicidaires ? Ben, cette fois-ci, elles sont aux abonnées absentes.
Mais si tu ne viens pas à la Grande Faucheuse, la Grande Faucheuse ira à toi.
C'est emporté par une réalisation dynamique, faisant passer les plus de deux heures sans le moindre problème d'ennui, émaillée de plusieurs idées originales de mise en scène (sans qu'elles prennent le pas sur le scénario et les personnages, contrairement au premier long-métrage de Trier, Nouvelle donne, qui souffrait de ce problème ; donc c'est très bien !), que j'ai digéré plaisamment tout cela.
Par contre, aussi réussi que soit tout ce que j'ai énuméré précédemment, je n'ai pas encore cité le meilleur. Et celui-ci est incarné par une comédienne principale d'un talent exceptionnel, d'un charisme incontestable, d'une grande beauté et d'une fraîcheur à toute épreuve (donnant tout de suite envie de prendre un aller-simple pour le pays d'Ibsen !), j'ai nommé Renate Reinsve.
Franchement, Trier n'aurait pas pu faire un choix plus parfait. Elle rend entièrement attachante une personne qui aurait pu facilement apparaître énervante à cause de son indécision. De cela, au moins, j'en suis certain.
Et je suis quasi sûr aussi que vous allez passer un excellent moment, si vous consentez à feuilleter ce roman cinématographique.