Voir Julie se Tait en 2024 a quelque chose de rafraîchissant et de finalement rassurant dans le marigot des films à message se voulant essentiels, ou portant le combat très actuel contre la violence et les pressions exercées sur les femmes.
Parce qu'il n'assène jamais ce qu'il veut dire ou ce qu'il soutient. Parce qu'il ne prend jamais celui à qui il s'adresse pour une andouille à qui il faut sur-expliquer et sur-signifier ses effets, ses figures stylistiques, ou tout simplement ce qu'il se passe à l'écran.
Julie se Tait sera donc une œuvre causant a priori de la libération de la parole dans le milieu sportif... Dans le plus grand des silences.
Pas celui induit par l'omerta, les pressions où encore les intérêts sportifs.
Mais celui subi par une jeune femme qui n'en est pas encore vraiment une. Une jeune femme conciliant famille, études et sport mené à haut niveau.
En forme de quasi thriller psychologique, ultra dépouillé dans ses effets de mise en scène, un peu dans la lignée des motifs naturalistes utilisés par les frères Dardenne.
Julie se Tait rejette son prédateur presque totalement hors-champ, longtemps réduit à la rumeur ou à sa voix. L'oeuvre rejette tout autant les actes dont il se serait rendu coupable. On ne saura jamais réellement ce qu'il s'est passé entre ces deux-là. On fait seulement allusion au suicide d'une autre jeune espoir du tennis. Ou, le temps d'une rencontre, à une tentative de minimiser et de se dédouaner.
Mais l'emprise de son absence demeure, via une voix dans le téléphone, les conseils, la force de persuasion et le dénigrement des autres, afin de préserver la bulle entre élève et mentor. Sombre mécanisme.
Le film semble bouillonner, comme son héroïne. Il s'attarde sur l'intériorité de Julie, son inconfort, son front constamment buté, la déstabilisation de son univers après la mise à l'écart de son coach. Une jeune femme dans sa difficile nécessité de couper le cordon de cette relation éminemment toxique, mais qui aura aussi révélé, poli et raffiné gratuitement son talent brut. Sombre sentiment de loyauté.
Nous suivons une Julie, souvent isolée dans son sport, dans l'intégralité de son quotidien, dans toute son indécision et son silence obstiné, infusant ce qui la ronge, ce qui la détruit à petit feu. Tout en conservant une certaine force de vie malgré tout.
Julie se Tait n'impose jamais sa démonstration et se refusera à tout expliquer. Déstabilisant le spectateur comme peut l'être la jeune sportive. Il s'approche, sans jamais rencontrer une autre personne que son héroïne sous tension. Une jeune fille qui finira elle aussi par s'approcher, non pas de l'apaisement, mais de l'écoute.
Car sans doute, on ne se remet jamais totalement d'une telle relation aussi intime et exclusive.
Behind_the_Mask, qui redoute de monter au filet.