Dwayne Johnson le sait bien, faire du catch c'est faire semblant de prendre des coups qui ne sont pas portés. Et bien Jungle Cruise consiste à faire semblant de faire du cinéma avec un film qui n'aura jamais été envisagé que comme un simili de cinéma.


Sans vergogne on pioche à droite, on pioche à gauche, on ré-invoque à coup de grandes pelletées bien voraces le succès mérité de la trilogie de Pirates des Caraïbes sans le quart du savoir-faire de Gore Verbinski et la conviction du jeu de Johnny Depp (pour ne citer qu'eux). A chaque fois la même rengaine, le même constat largement se répète, d'ailleurs ici avec un film qui se place aussi en produit dérivé d'une attraction Disneyland. Et il va vraisemblablement y avoir tout un "cinematic universe" de ses attractions à terme.


Et si les acteurs sont sympathiques, voire même talentueux au possible en temps normal (Jesse Plemons en Hans Landa de pacotille ou Emily Blunt en mode minimum syndical), la mécanique de fabrication a bien raison de leur charme. Tout est plat, de la blague la plus drôle à la péripétie la plus folle. Sans parler du mastard de sous-marin qui se trimballe dans des rivières de poche. Côté numérique, on fait pétarader les couleurs pour mieux masquer la misère des effets visuels. Il n'y a qu'à copier-coller les critiques de films en films puisque le constat se répète.


De la sainte trinité des catcheurs reconvertis dans le ciné, Dwayne Johnson n’est pas mon préféré mais il ne m’est pas désagréable depuis ses poussées de chansonnettes dans Vaiana. Pourtant ici, de par une lourdeur d'écriture, le film finit par vraiment donner l'impression d'un faire-valoir taillé pour cette gloire qui en fait l’acteur le mieux payé d’Hollywood. En comparaison Dave Bautista fait de vrais beaux efforts, tant par les opportunités de films qu'il a saisi que par sa qualité d'acteur qu'il n'entretient pas par dessus la jambe. Mais l'argent va à l'argent, pas au seul talent, et aux spectateurs de ramasser les pots cassés avec ce Jungle Cruise ennuyeux au possible.


Et si l’on n’est pas encore convaincu que le film est mauvais il suffit d’un plan, un seul plan en début de film, sur la chaussure d’Emily Blunt qui va pour se splasher dans une flaque d’eau croupie, eh ben ça ne fera pas splash… elle marchera sur l’eau, sans dégoulis boueux suivi d'un insert sur une moue grimaçante de dégoût. Jack Sparrow, lui, il aurait cradé sa botte jusqu’au genou pour nous faire plaisir. Tout en faisant un peu de cinéma par la même occasion.


Bref. Perdre de vue le cinéma, voilà peut-être l'horizon qui se profile et Scorsese a en grande partie raison quand il dit que beaucoup de ces films ne sont plus que des attractions destinées à faire dérouler de la vente de tickets. Très peu fonctionnent et la plupart nous éjectent en plein milieu d'un looping. Et bientôt, si ce n'est déjà, avoir accès à du cinéma à proprement parler ne passera plus tant par l’accès aux salles mais par l'entretien d'une érudition et d'une curiosité qui ne peuvent être raisonnablement attendues de tout un chacun. Là où avant, celui ou celle qui ne ratait pas une séance et celui ou celle qui n'allait que sporadiquement en salle, se retrouvaient toujours forcément ensemble, à un moment donné, devant un vrai bon film de cinéma parce qu'il n'y avait que ça à voir cette semaine-là (tomber par hasard sur un chef-d’œuvre devient chose impossible). Cette communion-ci, qui fait du cinéma l'art le plus populaire qui soit, tend malheureusement à disparaître et ce Jungle Cruise n'y fera rien à l'affaire.

-Thomas-
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le 30 juil. 2021

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Vagabond

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