Le digne héritier de Star Wars charcuté par la production
Alors que le public attend impatiemment leur retour avec un projet digne de Matrix, les Wachowski tentent, en vain, de revenir sur le devant de la scène depuis les échecs commerciaux de Speed Racer et Cloud Atlas. Et leur nouveau projet, Jupiter Ascending (bêtement traduit en VF par le Destin de l’Univers), avait tout, sur le papier, pour faire renaître leur gloire d’antan. Jusqu’à ce que le long-métrage, dont la sortie était initialement prévue pour l’été 2014, se retrouve repoussée en février 2015, une période peu glorieuse pour le box-office. La raison ? Bien qu’elle ne soit pas déterminée correctement, il s’agirait du fait que la Warner ait voulu limiter la casse avec l’autre échec commercial qu’avait été Edge of Tomorrow et que Jupiter Ascending ne corresponde pas vraiment à sa vision du blockbuster lucratif, voulant du coup se donner le temps pour faire quelques modifications supplémentaires. Quoiqu’il en soit, cette sortie décalée s’est avérée fatale pour un space opera qui s’annonçait comme l’héritier ultime de Star Wars.
Il va sans dire que les Wachowski ont voulu, avec Jupiter Ascending, faire un film hautement référencé (par exemple, quelques secondes de la BO rappellent celle de Predator). Mais quitte à vouloir copier George Lucas, les réalisateurs le font avec savoir-faire en reprenant la base scénaristique de Star Wars : une histoire banale à la limite du conte de fées (princesse and co) ne servant de prétexte qu’à un voyage intersidéral de toute beauté, accumulant merveilles visuelles (décors, costumes, maquillages, effets spéciaux…) et séquences d’action homériques (cela faisait un moment que nous n’avions pas eu des scènes de cet acabit). Question divertissement, les Wachowski s’en sont donnés à cœur joie, arrivant à nous faire frémir devant un déluge d’explosions et de vaisseaux spatiaux virevoltant entre les astres. À nous faire croire en la crédibilité de leur œuvre, au point que voir Channing Tatum avec des oreilles pointues ou une immigrée russe s’appeler Jupiter passe aussi inaperçu que les pyjamas de l’équipage de l’Enterprise (Star Trek). Bref, Jupiter Ascending est un billet simple pour une impressionnante épopée parmi les étoiles.
D’autant plus que la fraternité Wachowski, voulant absolument retrouver l’esprit Matrix, ont calqué la trame de leur trilogie (un Élu émergeant d’un monde, simple illusion dirigée par la réalité). Certes, ils n’ont pas été cherché bien loin niveau inspiration, me diriez-vous. Mais en regardant Jupiter Ascending de plus près, cette transposition de la trame de Neo version Star Wars leur a servi de point de repère pour bâtir un univers tout bonnement riche en thématiques, intégrant des notions universelles (la quête d’identité, l’écologie, la politique, l’amour…) et d’autres, pas plus inédites mais traitées ici différemment (la génétique, les êtres hybrides, l’avenir de l’Humanité, sa place dans le cosmos, ses origines…). Cela ne fait aucun doute : Jupiter Ascending avait tout de l’œuvre intemporelle, celle dont nous allions nous souvenir et ce pendant des lustres. Jusqu’à ce que la production passe à l’attaque…
Ne semblant pas avoir eu confiance au projet des Wachowski au point de le repousser en février, la Warner a pris soin de faire certaines coupures dans le montage du director’s cut pour que le film soit plus « accessible » au grand public. Et ce même si cela consiste à réduire une version de quatre à deux heures. Le résultat, nous ne pouvions donc y échapper : tout comme Kingdom of Heaven et Exodus : Gods and Kings, Jupiter Ascending a été monstrueusement charcuté ! Un véritable carnage qui relègue les idées innovantes et messages du film en tant que thématiques bêtement survolées pour laisser la place à du fun et de l’action, rien d’autre. Du coup, Jupiter Ascending se présente à nous pour ce qu’il n’est pas, à savoir un défouloir sans âme. À tel point que le public ne se souviendra que du manque d’originalité de la trame scénaristique (la complexité ayant tout bonnement disparue), durant laquelle des personnages apparaissent/disparaissent comme bon leur semble et que certains faits ou termes restent inexpliqués, et du ridicule de certaines situations (quelques répliques sont tout de même collectors).
Immense déception que ce Jupiter Ascending… Alors pourquoi lui donner une telle note ? Parce que le film, s’il n’avait pas été autant massacré par la production, aurait pu être un blockbuster de très, très grande envergure. Non sans défauts (les répliques, l’interprétation de certains comédiens…) mais un divertissement spectaculaire aux nombreuses idées et qui avait de quoi nous en mettre plein la vue. J’ai été littéralement transporté dans cet univers à tel point que je réclame une suite, histoire de poursuivre l’aventure et ce voyage hors du commun. Mais vu la production du long-métrage et son manque de succès au box-office des deux côtés de l’Atlantique, sans parler des critiques lui donnant mauvais réputation, cela ne restera qu’un rêve inaccessible… Espérons juste qu’un director’s cut sera disponible à la sortie en DVD/Blu-ray, pour prouver que Jupiter Ascending en avait bien plus sous le capot que cette version d’exploitation bâclée.