Jupiter Ascending représente quelque part tout ce qui cloche à Hollywood de nos jours, du moins en ce qui concerne le marché des blockbusters. On y évite au maximum toute prise de risque. Pas vraiment nouveau vous me direz, mais la tendance ne fait que s'accentuer d'années en années. On bouffe de l'adaptation de comic book au point de ne même plus prendre le temps de digérer une version qu'un reboot est lancé. Toutes les sagas littéraires pour ados sont déclinées en le plus d'épisodes possibles et avec un schéma globalement toujours similaire pour être sûr d'être rentable. Et désormais les studios reprennent un à un toutes les grands succès des années 80 et 90 pour les remettre au goût du jour (avec plus ou moins de succès).
Par contre, lorsqu'un scénario original arrive sur la table, la gestation parait de suite plus compliqué. Et ce nouveau film de la fratrie Wachowski en paie le prix fort. Tout semblait pourtant être là pour réussir quelque chose de grandiose. Une idée typique du duo, jouant une fois de plus sur l'idée que l'on nous cache la véritable nature de notre monde pour mieux nous utiliser. Un univers ultra riche, partant de mystères et clichés connus de tous tels que les crop circles ou le design classique des aliens pour arriver jusqu'à un bestiaire et univers digne des meilleurs space opera.
Sauf que là où l'on donne trois films à un Hobbit qui n'en nécessitait pas plus de deux parce qu'on est sûr d'être rentable, on ne donne que 2h ici pour exploiter ce qui nécessiterait le double, ou au moins quelques dizaines de minutes supplémentaires.
On se retrouve donc avec un film passablement bâclé, où tout passe tellement vite qu'on n'a le temps ni de s'attacher aux personnages (pas tous bien incarnés malheureusement, par exemple celui d'Eddie Redmayne auquel on ne croit pas un instant), ni d'apprécier les explosives scènes d'actions et même de vraiment suivre avec intérêt un scénario vraisemblablement charcuté beaucoup trop condensé pour être appréciable. On passe d'un pan de la famille Abrasax à un autre et voyage d'une planète à l'autre en moins de temps qu'il en faudrait à la lumière pour y parvenir. La saveur et la subtilité n'ont en tout cas pas le temps de suivre.
Et c'est d'autant plus dommage qu'il est évident que les Wachowski ont besoin de temps pour exprimer leur talent et leur propos. La trilogie Matrix a ses défauts, enfin surtout les deux derniers, mais elle prenait le temps d'approfondir tous ses enjeux. Le premier épisode avait pu se contenter d'en poser les bases et prévoir ses suites tout en se suffisant à lui-même. J'ai ressenti également la même sensation devant la première saison de Sense8 (dont on retrouve d'ailleurs ici quelques acteurs) et estime d'ailleurs que l'avenir des Wachos est plutôt du côté des séries. Quand à Cloud Atlas, il avait tout de même eu droit à près de 3h pour exprimer sa grandeur. Ce soir, j'ai eu l'impression de voir deux films en avance rapide.
Un sacré gâchis dont je préfère ne retenir que la beauté formelle et la volonté de créer quelque chose de neuf.