« Jupiter Ascending », ou plutôt dans son truculent titre français « Jupiter : Le Destin de l’Univers » devait initialement sortir au mois de juillet 2014. La date a été par la suite repoussée à février 2015, le distributeur prétextant que les effets spéciaux n’étaient pas terminés. Je pense surtout que le film souhaitait éviter de se frotter aux « Gardiens de la Galaxie », et il a eu bien raison. Tout simplement car on avait probablement pas vu mieux niveau blockbuster depuis les fameux Gardiens. Les Wachowskis nous reviennent deux ans après le surprenant « Cloud Atlas » avec un space opéra aux capacités insoupçonnées. Je tiens à préciser que je ne suis pas de ces fous qui idolâtrent le binôme. J’ai beaucoup aimé leur premier film « Bound ». La premier « Matrix » est un bon film dont j’apprécie peu la suite et encore moins le troisième opus. J’ai passé un agréable moment devant « Speed Racer » et « Cloud Atlas ». Du coup je me dis que « Jupiter Ascending » est leur film le plus intéressant depuis le premier Matrix. Je suis par ailleurs à peu près sur de ne jamais avoir éprouvé un tel plaisir devant un film comportant autant de défauts. Car le film en est gorgé.
La première erreur vient du casting de Mila Kunis. J’ai du mal à concevoir que cette actrice au regard vide ait pu être sollicité pour ce film. Les vingt premières minutes du film sont assez douloureuses. La présentation du personnage manque cruellement de finesse. On retrouve le personnage de Jupiter la tête dans les toilettes, mais le regard tourné vers les étoiles, ne rêvant que d’une chose : s’acheter un télescope pour pouvoir les observer. Parallèlement l’histoire de la dynastie Abrasax nous est racontée de façon accélérée afin de poser les enjeux rapidement et on se retrouve bombardé d’informations et de termes que l’on a bien du mal à hiérarchiser d’emblée. Le pitch qui frôle in-extremis le ridicule n’est guère important. Et nos questionnements quant à la clarté de l’intrigue sont balayés d’un revers de main lors de l’arrivée de Caine Wise, guerrier de l’espace, interprété sobrement par Channing Tatum. Personnage kitsch au premier abord, dont on s’habitue bien vite à l’apparence, doté de la capacité à surfer dans les airs à l’aide de ses bottes antigravitationnelles. L’apparition du personnage résonne comme un message d’alerte : à partir de maintenant attachez vos ceintures les prochaines quatre-vingt-dix minutes ne seront que montagnes russes et combats spatiaux spectaculaires. À commencer par cette course-poursuite majestueuse d’un peu moins de dix minutes sur le sol, dans les airs et les eaux de Chicago.
Et c’est là la force du binôme de cinéastes. Ils peuvent nous raconter n’importe quelle histoire, leur grammaire cinématographique nous livre toujours un trip visuel de haute volée. Cette fois-ci sertie d’une 3D indispensable pour apprécier le spectacle comme il se doit. Le naturel avec lequel les Wachowski nous entrainent dans leur univers à la fois ultra référencé et intensément personnel est déconcertant. Car même si le film foisonne de références, il n’en demeure pas moins très intime. Les réalisateurs nous imposent leur univers riche sans qu’on ne se pose aucune question, avec une facilité déconcertante. Narrativement, l’histoire bien que classique et peu approfondie, propose suffisamment d’enjeux dramatiques pour une potentielle trilogie.
Malheureusement le scénario est trop linéaire mais va crescendo et le tout se prête souvent à un agréable mauvais goût. Du bestiaire extraordinaire, à la ridicule théâtralité du méchant Balem incarné par Eddie Redmayne qui manque de charisme pour le rôle. Mais ça n’est pas vraiment un souci ici, car le tout est amené de façon extrêmement généreuse sur une musique parfaitement composée de Michael Giacchino. Il est dur de refuser ce genre de cadeau offert sans aucune prétention. Un plaisir qu’on ne saurait bouder face à la multitude de qualités visuelles à l’écran. Le dosage est parfait, chaque ingrédient étant à sa place, donnant une vraie sensation de fraicheur. Car oui, pour la première fois depuis longtemps le spectateur peut s’abandonner pleinement dans cette féérique fiction.
Le côté « conte de fée » aurait gagné à être présenté différemment, et la romance entre le loup et le petit chaperon rouge est clairement le point faible du film, avec l’exaspération du côté demoiselle en détresse à secourir de Mila Kunis. Par ailleurs le film gère magnifiquement bien l’espace à travers une scénographie des combats dantesque et les réalisateurs s’osent à l’inédit quand la plupart des autres blockbusters manquent souvent d’inspiration de ce côté. À noter aussi les prises de risques perpétuelles du côté du bestiaire, et de l’architecture interne et externe des vaisseaux. Les Wachowski ne font rien dans la demi-mesure.
Au final le film n’est ni la débâcle prédite par certains, ni la révolution attendue par d’autre mais signent avec « Jupiter Ascending » un blockbuster jubilatoire à priori classique mais qui leur ressemble énormément, fidèles à eux-mêmes dans les thèmes, consumérisme et avilissement de l’Homme, génétique, et dans leur mise en scène. Et j’espère simplement que le film fera plus que les 500 000 entrées cumulées de leurs deux précédents films. Pourquoi ? Et bien parce que le film mérite le succès tout simplement parce qu’il est audacieux et que l’ampleur de l’entreprise entamée par Andy et Lana Wachowski ne doit se lire que comme le premier tome d’une saga à venir, dont j’attends avec impatience les prochains volets qui corrigeront à coup sur les erreurs du premier.
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