Le scénario de Jupiter Ascending rappelle de façon étonnante celui de Matrix. Une personne ordinaire découvre que sa réalité, qu'elle croyait unique, est en fait une ferme créée par des entités supérieures dans le but d'exploiter les ressources que l'espèce humaine peut fournir ; et que contre toute attente elle est la seule à avoir le pouvoir d'influer sur la "véritable" réalité pour libérer l'humanité de ses chaînes.


Seulement, passée l'introduction, le traitement n'est pas du tout le même : alors que Néo, dans une sorte de voyage initiatique, apprend à devenir celui qu'il doit être et à combattre la Matrice, entraînant le spectateur dans une lutte qui se prête aux interprétations subversives sur notre réalité, Jupiter n'a qu'un seul mobile de tout le film, vivre tranquillement avec ceux qu'elle aime (bien que quelques cas de conscience l'effleurent par moments ils n'ont finalement aucun impact sur ses décisions...). Le résultat est à la hauteur de ces ambitions, et son ascension ne peut qu'entraîner notre déception...


Pour poursuivre le parallèle, c'est un peu comme si, à la fin de Matrix, Néo faisait le choix de retourner se brancher dans la matrice, en ramenant Trinity avec lui et choisissait de vivre heureux en faisant abstraction de tout ce qu'il a découvert... Ce qui promettait une quête épique à une échelle intergalactique ne devient finalement plus qu'une banale histoire de prince charmant, où Mila Kunis se fait balader telle un cliché d'image de la femme tout droit sorti des années 60, incapable de se défendre ou de prendre des décisions toute seule...


Ce décalage de fond rend inévitablement tout un peu plus creux : les acteurs baladés entre scènes d'actions souvent illisibles (mais parfois réussies et fantastiques) et dialogues expliquant "ouonstrouve cekispass keskifofaire" n'ont pas vraiment leur mot à dire et sont donc passifs, on peine à s'y identifier et les rares scènes de répit sont assez peu convaincantes (en plus d'être grosses comme le vaisseau de Titus (plus gros qu'une maison) entre les deux protagonistes principaux...).


C'est d'autant plus dommage que le film possède de réelles qualités : en premier lieu toutes les idées et concepts qui fourmillent notamment d'un point de vue des gadgets, du design... Le film est parfois très beau, j'ai notamment été époustouflé par certains visuels sur les courbes de Jupiter et les décors grandioses des autres planètes, sur d'autres sortes de visuels sur les courbes de Jupiter et les abdos de Tatum (vous l'attendiez hein ?) ou encore par le design des vaisseaux (la cathédrale !!!). Mais bon, c'est très subjectif, je suis friand de ce genre de décors de SF. Bon, après, la musique, c'est un peu moins ça, mais le film se tient sans incohérences, et garde un rythme efficace, bref, ça reste agréable.


Au final, quand on voit le décalage entre d'un côté ce monstrueux concept de film associé à toute cette recherche visuelle, et de l'autre ce manque d'ambition scénaristique presque assumé qui ressort, à travers le personnage de Jupiter, des auteurs eux-mêmes, on a l'impression d'un gâchis considérable... Et on se demande si, après Speed Racer et Cloud Atlas, ce Jupiter Ascending n'est pas l'échec commercial de trop pour les Wachowski, celui qui devra ramener leurs ambitions à la baisse pour le meilleur et pour le pire...


PS : "Le destin de l'univers", sérieusement ?

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le 6 févr. 2015

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Nordkapp

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