Féérie du chaos
Dans la galaxie en triste expansion du blockbuster, il est recommandable de revenir de temps à autre aux fondamentaux : pour savourer, et comprendre à quel point le savoir-faire en terme de cinéma...
le 12 janv. 2018
96 j'aime
8
Steven Spielberg remonte sur le ring du divertissement de haute volée avec l'adaptation du best-seller de Michael Crichton. Officieusement, le réalisateur adulé obéit à une commande pour avoir les mains libres sur son projet suivant, l'éminemment personnel La Liste de Schindler. Mais nulle raison pour abaisser l'exigence artistique. Jurassic Park orchestre la rencontre entre l'homme avec les dinosaures, elle se devait donc d'être mémorable. Les avancées en termes d'animatroniques et d'images de synthèse l'ont rendue possible, alors le film ambitionne de repousser les limites. D'un point de vue technique mais aussi artistique. Graver une nouvelle date pour le divertissement, niveau ambition on a vu plus raisonnable. Et Spielberg s'en accommode avec une virtuosité quasi inédite dans l'histoire du blockbuster.
Jurassic Park demeure plus de vingt ans après sa sortie comme l'un des plus grands sommets atteints en la matière. À tout point de vue. Modèle de storytelling joignant l'intimiste avec le (hautement) spectaculaire, le long-métrage nous ramène à cette sensation d'émerveillement qu'on expérimente que trop rarement face à un écran. Une telle réussite a été rendue possible grâce à l'expérience d'un metteur en scène passé maître dans l'art de caractériser chacun de ses personnages et de jongler avec les émotions. Pendant une heure, Spielberg pose les bases tout en énonçant avec brio ses inquiétudes sur l'hubris humain, les dérives de la génétique ou de la société-spectacle. En filigrane, on peut y voir - et c'est fait exprès - l'interrogation d'un réalisateur face à la logique mercantile derrière le cinéma grand public qu'il affectionne. La métaphore file à merveille, la sincérité de la démarche fait mouche, et le propos tape juste.
Dans l'intervalle, il s'amuse à frustrer en limitant les apparitions des créatures ressuscitées du crétacé/jurassique. Bizarrement, nul frein à ronger ici, puisque le style ainsi que les offrandes séduisent. Puis vient la deuxième heure, où le metteur en scène laisse exploser son génie cinétique avec une succession de morceaux de bravoure. Pas la peine de lister les moments forts, il y en a dans tous les recoins. Pour vous donner une idée, sachez que le film est une parfaite jonction des Dents de la mer (pour le suspense) et d'Indiana Jones (pour l'aventure). Il y a largement de quoi s'accrocher aux accoudoirs, frémir et on exulter devant pareil maelstrom de sons et d'images (les effets spéciaux font toujours leur effet). Les dinosaures prennent vie, et jamais le tourbillon d'artifices employés n'en font douter. Mais si Jurassic Park mérite les éloges, c'est autant pour ses personnages que le ride de sensations fortes qu'il génère.
Sam Neill trouve son rôle le plus emblématique dans les pompes du héros malgré lui, charismatique et pas facile. Richard Attenborough, génial en papi gâteau irresponsable, dont l'examen de conscience épouse les angoisses de Spielberg face à son art. Mais celui qui fait le plus forte impression demeure Jeff Goldblum, tout simplement extraordinaire de classe excentrique en Ian Malcolm (une demi-douzaine de répliques cultes dans sa besace). John Williams pose encore une fois ses doigts de magicien sur l'orchestre pour livrer l'une de ses bandes originales les plus réussies.
Plus de vingt ans après sa sortie, ce nouveau maillon dans la chaîne du blockbuster n'a pas pris une ride et n'a rien perdu de son efficacité pour nous accrocher. Un peu comme Alien en son temps, également une commande faite auprès de Ridley Scott, Jurassic Park s'impose comme un incontournable du genre puisqu'à tous les niveaux, il synthétiste l'excellence qu'on aimerait voir plus souvent sur grand écran. L'un des meilleurs films des années 90, et l'un des plus grands spectacles jamais réalisés.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top Steven Spielberg, Les meilleurs films de Steven Spielberg et Jurassic Park
Créée
le 27 juil. 2019
Critique lue 117 fois
D'autres avis sur Jurassic Park
Dans la galaxie en triste expansion du blockbuster, il est recommandable de revenir de temps à autre aux fondamentaux : pour savourer, et comprendre à quel point le savoir-faire en terme de cinéma...
le 12 janv. 2018
96 j'aime
8
Comme tout garçonnet de neuf ans croyant dur comme fer à l'existence des tortues ninja, je vouais un culte sans bornes aux dinosaures, ces monstres géants non pas issus d'un quelconque folklore mais...
Par
le 5 août 2013
90 j'aime
4
Avant d’être une saga avec ses hauts et ses bas, Jurassic Park fut un film qui connut un formidable succès dans le monde entier, battant le record au box-office mondial en 1993 et restant au sein de...
Par
le 10 août 2017
79 j'aime
33
Du même critique
Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...
Par
le 15 sept. 2021
66 j'aime
8
Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...
Par
le 20 févr. 2021
60 j'aime
Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...
Par
le 13 déc. 2023
56 j'aime
7